Au Pakistan, les islamistes pèsent encore sur le sort d’Asia Bibi, acquittée pour blasphème

03 - Novembre - 2018

es islamistes du Pakistan l’ont emporté. Après trois jours de manifestations contre la décision de la Cour suprême d’acquitter la chrétienne Asia Bibi, le gouvernement pakistanais a accepté, vendredi 2 novembre, d’engager une procédure visant à l’empêcher de sortir du pays. L’accord passé entre les deux parties, composé de cinq points, prévoit aussi que le gouvernement ne s’oppose pas au dépôt d’une requête en révision du jugement de la Cour suprême.
La femme de 52 ans, mère de cinq enfants, était incarcérée depuis sa condamnation à mort en 2010 pour blasphème. Sa famille espérait partir avec elle à l’étranger pour sa sécurité, avant que les islamistes ne fassent plier le gouvernement. Asia Bibi est toujours en prison, selon son avocat Saif ul-Mulook, cité par l’AFP, et elle ne peut pas quitter le pays avant l’examen de la requête. Son avocat lui-même a quitté le pays samedi, déclarant craindre pour sa vie après des menaces.
Dès l’annonce de son acquittement, mercredi, les islamistes étaient descendus dans la rue pour réclamer sa pendaison et la mort des juges. Après avoir adopté un ton ferme vis-à-vis des manifestants, le premier ministre pakistanais, Imran Khan, parti en Chine pour une visite de quatre jours alors qu’il est aussi en charge du ministère de l’intérieur, a finalement cédé à leurs demandes. Mercredi soir, il avait prévenu que l’Etat ne « tolérerait pas le sabotage » et « prendrait ses responsabilités » si nécessaire.

Mais la décision de l’armée, vendredi matin, de rester en retrait, a sans doute pesé dans la décision du gouvernement d’opter pour la négociation. Vendredi, les manifestants ont bloqué les principales artères des grandes villes du pays et ont brièvement pénétré dans la « zone rouge » d’Islamabad, quartier qui réunit les principales institutions de l’Etat pakistanais, telles que le Parlement et la résidence du premier ministre. La plupart des écoles étaient fermées et le réseau mobile a été coupé une bonne partie de la journée dans les grandes villes. Les manifestations ont pris fin dans la nuit de vendredi à samedi. Depuis le durcissement du code pénal condamnant le blasphème, en 1986, sous la dictature du général Zia-ul-Haq, grand artisan de l’islamisation du Pakistan, les accusations se sont multipliées dans le pays, au risque de servir de prétexte pour régler des conflits personnels. Dans le cas d’Asia Bibi, c’est une dispute qui a mal tourné : cette employée agricole avait bu un verre d’eau provenant d’un puits réservé en principe aux musulmans, et a été dénoncée par des voisines avec lesquelles sa famille était en froid. Les juges l’ont finalement acquittée au « bénéfice du doute ». Les minorités religieuses, qui ne dépassent pas 3 % de la population du Pakistan, sont les cibles de plus de la moitié des plaintes déposées pour blasphème.
« Encore une capitulation », regrette le quotidien libéral pakistanais Dawn, dans son éditorial de samedi. Sous la pression des groupes religieux extrémistes, Imran Khan était déjà revenu, début septembre, sur sa décision de nommer un conseiller économique issu de la minorité ahmadie au Comité de conseil économique, fraîchement créé pour remédier aux importantes difficultés financières traversées par le pays. Atif Mian est un professeur d’économie pakistano-américain de la prestigieuse université de Princeton. Mais les croyances des Ahmadis sont considérées comme blasphématoires et leur communauté est persécutée de longue date au Pakistan, car ses membres croient en un prophète postérieur à Mahomet.

Autres actualités

10 - Août - 2020

Réunie à Abidjan, la diaspora burkinabée affirme son soutien au président Kaboré

La diaspora burkinabée, une communauté de 7 millions de ressortissants dont plus de la moitié vit en Côte d’Ivoire, a lancé à Abidjan, samedi 8...

14 - Juillet - 2020

Affaire Vital Kamerhe : anticorruption et règlements de compte à la tête de la RDC

C’est la nuit où tout a basculé. Le 30 janvier, une pluie diluvienne s’abat sur Kinshasa, emportant les tôles bleues qui cachent les travaux de construction des...

14 - Juillet - 2020

14-Juillet : une cérémonie militaire réduite, qui rend hommage à ceux qui ont lutté contre le coronavirus

Le traditionnel défilé des armées à Paris, pour la fête nationale du 14-Juillet, était remplacé mardi par une cérémonie au format...

03 - Juillet - 2020

Le Canada suspend son traité d’extradition avec Hongkong après l’adoption de la nouvelle loi controversée sur la sécurité

Le Canada suspend son traité d’extradition avec Hongkong ainsi que ses exportations de matériel militaire « sensible » en réaction à...

03 - Juillet - 2020

Plus de 1 000 personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide sont encore recherchées par le Rwanda

Les dossiers colorés, marqués confidentiels, sont empilés du sol jusqu’au plafond. « Chacun de ces classeurs correspond à un suspect de génocide et...