Au Royaume-Uni, les banques alimentaires font face à une demande sans précédent

21 - Avril - 2020

ReportageUn million et demi de Britanniques ont passé au moins une journée sans manger depuis le début du confinement, le 23 mars.

La nef de St Margaret the Queen est désormais barrée d’étagères remplies à ras bord de produits alimentaires. Depuis le début du confinement au Royaume-Uni, cette église du sud de Londres est utilisée par cinq banques alimentaires du voisinage comme un immense hangar où rassembler les dons et les collectes. Des céréales, des paquets de soupe, des boîtes de haricots rouges, du papier toilette, du thé, des barres de chocolat… Une dizaine de volontaires s’activent à préparer les colis, qui doivent permettre à leurs bénéficiaires de tenir trois jours.

« J’ai rencontré une femme qui organise de l’événementiel, d’autres qui sont dans le théâtre… » Alison Inglis-Jones, membre d’une banque alimentaire

Jamais la demande n’a été aussi forte. « La semaine dernière, on a servi 700 personnes. Plus du triple du niveau habituel », explique Alison Inglis-Jones, membre du conseil d’administration de la banque alimentaire de Norwood et Brixton, qui fait partie de l’association Trussell Trust. Au Royaume-Uni, la pandémie et le confinement ont soudain provoqué le basculement de nombreuses familles qui étaient déjà au bord de la pauvreté. « On a vu arriver beaucoup de personnes qui travaillent à leur compte, dont les revenus se sont arrêtés d’un coup, explique Mme Inglis-Jones. J’ai rencontré une femme qui organise de l’événementiel, d’autres qui sont dans le théâtre… »

Le phénomène est le même partout à travers le pays. Selon un sondage réalisé pour la Food Foundation, 16 % des Britanniques (8 millions de personnes) ont souffert d’« insécurité alimentaire » pendant les trois premières semaines du confinement, c’est-à-dire qu’ils ont dû soit sauter un repas, soit en réduire la taille, soit connaître la faim. C’est quatre fois plus qu’avant. Parmi ceux-ci, un million et demi de personnes ont passé une journée entière sans manger.

« Quand j’ai découvert le niveau de ces chiffres, je n’en revenais pas, explique Rachel Loopstra, de King’s College London, qui a analysé le sondage pour le compte de la Food Foundation. Ça démontre à quel point une partie de la population est fragile, en permanence au bord du précipice. »

Sabine Goodwin, qui dirige l’Independent Food Aid Network, un réseau d’une centaine de banques alimentaires, abonde. « Notre société est extrêmement fragile. Les familles qui ont des enfants bénéficiant de repas gratuits à la cantine peinent aujourd’hui à faire face. Les mairies doivent en principe couvrir leurs frais, en leur donnant des bons d’achat alimentaires, mais ça a été lent à se mettre en place. De même, le système de chômage partiel [qui compense 80 % du salaire] ne couvre pas de nombreuses personnes qui ont des contrats précaires ou vivent d’allocations sociales. »

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