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Au Vatican, Macron et le pape font front uni face à la poussée populiste en Europe

27 - Juin - 2018

François a rappelé au président français que « la vocation des gouvernants » est « de protéger les pauvres » au cours d’une visite chaleureuse.

Faire front contre l’Italie de Matteo Salvini, le groupe de Visegrad et tous les pays européens qui tirent le Vieux Continent vers le repli sur soi. Avant le Conseil européen prévu jeudi 28 et vendredi 29 juin, le pape François et le président de la République, Emmanuel Macron, ont voulu se montrer unis face à la montée des populismes, même si les choses n’ont jamais été dites en ces termes.
Il y a eu les images d’abord. Le souverain pontife a accueilli son hôte au Vatican, mardi 26 juin, avec un sourire engageant, quand il avait réservé un visage plus fermé à François Hollande. A la fin de leur entrevue, Emmanuel Macron lui a pris le bras et les deux hommes se sont longuement étreints. La rencontre elle-même a duré cinquante-sept minutes, ce qui, pour les experts du Vatican, représente une performance, alors que le pape n’avait consacré que vingt-neuf minutes à Donald Trump et cinquante-deux minutes à Barack Obama.

« Il y a eu une réflexion commune sur les perspectives du projet européen », a commenté le Saint-Siège. « Nous avons évoqué la crise politique que traverse l’Europe, mais à aucun moment la situation spécifique de l’Italie n’a été abordée », a précisé M. Macron. Pas plus que celle de l’Allemagne ou le projet de loi asile et immigration en France, adopté en première lecture au Sénat ce même mardi et sans conteste contraire aux valeurs du pape argentin.

Les élections italiennes et l’affaiblissement d’Angela Merkel sur la scène allemande ont fait converger les deux chefs d’Etat ces derniers jours. Si le pape François a souvent trouvé trop timide la réaction européenne face à l’afflux de migrants en 2015, le risque de voir l’Europe se diviser et se bloquer sous l’effet des souverainismes a pris le dessus. D’ailleurs, jeudi 21 juin, il avait rééquilibré son discours sur les migrants : « on doit », disait-il en rentrant de Suisse, mettre en œuvre quatre concepts, « accueillir, accompagner, organiser, intégrer », mais avec « la prudence » qui est la vertu du gouvernement.
« Nous sommes tous pauvres »
Paris est ainsi devenu un allié naturel. Et puis Emmanuel Macron n’est pas arrivé les mains vides. A ce chef spirituel qui se veut détaché des biens matériels, il a offert une édition en italien de 1949 du Journal d’un curé de campagne, de Georges Bernanos, un écrivain très apprécié du pape. Mais surtout, le souverain pontife savait, quand le président est arrivé, que le cas du Lifeline et de ses 234 migrants, bloqué au large de Malte, était réglé. La veille au soir, M. Macron avait eu une « visite privée » avec Giuseppe Conte, le président du conseil italien, au cours de laquelle des contacts ont été pris avec Berlin et La Valette qui ont permis de ne pas rééditer l’affaire de l’Aquarius. La France, comme cinq autres pays européens, accueillera une partie des migrants qui étaient sur le navire humanitaire.
Parmi les signaux adressés au Vatican, le chef de l’Etat français avait également choisi de prendre son petit déjeuner au palais Farnèse – l’ambassade – avec la communauté Sant’Egidio, qui organise des couloirs humanitaires pour les réfugiés syriens et irakiens. Il avait surtout invité Véronique Fayet à l’accompagner. La présidente du Secours catholique, qui a eu des mots très durs contre la politique du gouvernement dans le domaine de l’immigration, a même été la seule personnalité de la délégation à avoir été conviée à partager le Falcon présidentiel lundi. « Le président veut dépasser les tensions, non pas les masquer », commente l’avocat Jean-Pierre Mignard, qui était également du voyage.
« Le pape est un chef d’Etat différent, a commenté M. Macron. Mais sa plus grande singularité, c’est qu’il ne cherche aucun rapport de force. C’est très rare, je fais moi-même partie de ces jeux de rapport de force. » Pour autant, le souverain pontife n’hésite pas à faire passer des messages quand il le juge nécessaire. A son hôte français, il a offert un médaillon de saint Martin, ce légionnaire romain qui avait, selon la légende, divisé son manteau en deux pour donner la partie lui appartenant à un pauvre (l’autre moitié étant la propriété de Rome). Un symbole d’altruisme et de solidarité avec les plus faibles, pour un chef d’Etat parfois accusé d’être le « président des riches ». « C’est la vocation des gouvernants de protéger les pauvres, lui a fait remarquer le pape, avec un regard appuyé, en remettant son présent. Nous sommes tous pauvres. »

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