Au Yémen, guerre d’usure autour d’Hodeïda
Face à la base d’Al-Khokha, une douzaine de véhicules blindés de l’armée émiratie s’apprêtent à s’engager sur une route ouverte à perte de vue, bordée de hauts buissons d’épineux, à travers la plaine inculte qui s’étend le long des plages de la mer Rouge. La colonne doit monter plein nord en direction d’Hodeïda, le premier port du Yémen, aux mains des rebelles houthistes. Les forces émiraties menacent cette ville de 600 000 habitants depuis le mois de juin. Elles en ont fait le front le plus important du pays.
Le signal du départ tarde. Puis les radios grésillent : un contre-ordre. Deux drones houthistes, de fabrication artisanale, ont largué des explosifs sur l’objectif de la colonne : la bourgade d’Ad-Durayhimi, à une quinzaine de kilomètres du grand port, où un centre de soins reçoit les combattants blessés dans les zones récemment libérées. La zone n’est plus jugée suffisamment sûre. Le convoi de blindés, hauts comme deux hommes et couverts de grillages antiroquettes, qui leur donnent des allures de pachydermes en cage, doit rentrer à la base. Ils partiront demain, si un nouvel incident ne les arrête pas.
Ainsi va la guerre au Yémen : lentement. A Hodeïda, des brigades yéménites disparates, alliées des Emirats arabes unis (EAU), affrontent les houthistes en bordure de la ville. Dans la chaleur qui règne sur la plaine, les tirs se font plus nourris à l’aube et au soir. Mais les soldats émiratis, eux, ne montent pas au front.
Les EAU (près de 10 millions d’habitants) disposent d’une armée formidablement équipée et entraînée, mais peu nombreuse. Et le pays estime avoir déjà payé trop cher son engagement au Yémen, depuis mars 2015, au sein d’une coalition dirigée par son grand frère saoudien, qui ne déploie pas de troupes au sol. Riyad se contente de bombarder le nord du pays, tenu par les rebelles alliés de l’Iran. Cette campagne a lourdement endommagé les infrastructures et a multiplié les morts civiles. Selon une estimation...