« Avec Simone Veil et Helmut Kohl s’éteint la génération des bâtisseurs d’après-guerre »
Dans sa chronique hebdomadaire, Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde », revient sur le parcours de ces deux grands Européens.
Simone Veil s’est éteinte au moment où l’Union européenne s’apprêtait à rendre un hommage solennel, samedi 1er juillet à Strasbourg, à Helmut Kohl, en présence de dirigeants venus du monde entier. Le hasard, sans doute. Un symbole, aussi. « Simone Veil - eine große Europäerin », a tweeté notre consœur Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, dès l’annonce de sa disparition, vendredi. Oui, Simone Veil a été « une grande Européenne », de cette impressionnante génération franco-allemande qui a osé bâtir l’Europe de l’espoir sur les ruines encore fumantes de la deuxième guerre mondiale.
Helmut Kohl avait 87 ans, Simone Veil en avait 89. Adolescents pendant la guerre, ils en sortirent tous deux irrémédiablement marqués : Simone Veil par l’Holocauste, auquel, de sa famille, seule sa sœur et elle survécurent ; Helmut Kohl, qui ne fut enrôlé comme conscrit que dans les dernières semaines, mais perdit son frère aîné et l’honneur de son pays.
Pour cette génération, construire l’Europe était une question de survie. Une façon de tourner le dos à une folie responsable de millions de morts. Le projet européen lancé par la déclaration Schuman en 1950 permettrait de consacrer la paix sur ce continent deux fois ravagé par la guerre en moins d’un demi-siècle. « Nous n’avions pas le choix, expliquait souvent Simone Veil, nous devons vivre ensemble. »
« Des balbutiements d’une Europe enthousiaste »
Mieux que vivre ensemble, ils ont bâti ensemble, sur les fondations établies par quelques visionnaires issus du siècle précédent : Robert Schuman était né en 1886, Jean Monnet deux ans plus tard. Cette génération de bâtisseurs pour la paix compte des noms illustres, tous nés dans un intervalle de moins de quinze ans : François Mitterrand (1916), Helmut Schmidt (1918), Jacques Delors (1925), Valéry Giscard d’Estaing (1926), Simone Veil (1927), Helmut Kohl (1930).