Brexit : Theresay May confrontée au dilemme nord-irlandais

07 - Décembre - 2018

A première vue, rien n’est plus éloigné du Parlement de Westminster et de son débat orageux sur le Brexit que le marché aux bestiaux d’Enniskillen. Sur le sol parsemé de sciure d’une minuscule arène, des veaux éberlués défilent pendant qu’un commissaire-priseur énonce, dans une sono assourdissante, un flot continu d’enchères lancées, par d’obscurs gestes de la main, par la centaine d’éleveurs massés sur des gradins. Pas une seule femme et peu de jeunes. L’odeur n’est pas exactement celle d’une soirée mondaine.
Deux fois par semaine, la petite ville agricole perdue au sud-ouest de l’Irlande du Nord, non loin de la frontière avec la République, s’anime et vit au rythme de la baguette du chef des maquignons et de ses adjudications. Tandis qu’à Londres, les députés sont entrés en guérilla contre le gouvernement de Theresa May, rien ne vient troubler l’immuable déroulé des transactions au cœur de la capitale du comté de Fermanagh.
Il suffit pourtant de s’attabler au hasard dans le spartiate réfectoire contigu à la salle des ventes pour vérifier à quel point l’accord sur le Brexit conclu avec Bruxelles par la première ministre anime les conversations et divise l’Irlande du Nord. Les murs de parpaings colorés en jaune pâle sont égayés de gravures de scènes champêtres, le déjeuner est frugal et l’ambiance conviviale.
« Ligne rouge sang »
« Je me félicite d’avoir voté pour le Brexit car j’en ai assez d’être bridé par les quotas et autres règles de Bruxelles qui nous empêchent de commercer avec les Etats-Unis ou la Nouvelle-Zélande, lance George Elliott, un éleveur de 64 ans. Je suis pour la liberté du marché et le commerce mondial, c’est cela qui permet de faire le plus d’argent. » L’homme affable à la moustache grisonnante n’a pas de mots assez durs contre l’accord passé par Theresa May avec l’Union européenne (UE), que les députés de Westminster menacent de retoquer lors d’un vote très attendu, mardi 11 décembre. « L’UE pourra nous imposer tout ce qu’elle veut sans que nous ne puissions plus rien dire », fulmine-t-il.
Quant à l’éventuel retour d’une frontière entre les deux Irlandes, elle ne le gênerait pas : les droits de douane appliqués à la viande produite en République d’Irlande (membre de l’UE) favoriseraient sa propre production, écoulée pour l’essentiel en Grande-Bretagne. Sans les subventions européennes, « les fermes comme la mienne n’existeraient plus », reconnaît pourtant cet exploitant moyen – cent têtes de bovins – qui a dû exercer en parallèle les professions d’enseignant et de policier pour s’en sortir.

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