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« Certains candidats à l’élection présidentielle ont une vision fantasmée du futur de nos économies »

22 - Mars - 2017

« Certains candidats à l’élection présidentielle ont une vision fantasmée du futur de nos économies »

Les professeurs d’économie Jean-Luc Gaffard et Jean-Paul Pollin estiment, dans une tribune au « Monde », que la jeunesse entrepreneuriale et l’innovation, tant vantées par Emmanuel Macron, comptent peu dans les gains de productivité et de richesse.
Jean-Luc Gaffard (Professeur d’économie (OFCE Sciences Po et Skema Business School)) et Jean-Paul Pollin (Professeur d’économie à l’université d’O...
Le Monde.fr

TRIBUNE. L’avenir de l’économie que certains candidats à l’élection présidentielle, apôtres de la flexibilité et de l’entrepreneuriat, se plaisent à nous dessiner, serait peuplé de jeunes entreprises développant des innovations de rupture employant une main-d’œuvre mobile et finançant leur croissance par le recours aux marchés financiers. C’est de ce modèle que procéderaient le sursaut des gains de productivité et la relance de la croissance.
Or cette vision fantasmée du futur de nos économies est contredite par bon nombre d’observations. D’abord, il n’est pas vrai que les sources de la croissance se situent principalement dans des innovations radicales. Pour l’essentiel, elles se trouvent dans des améliorations incrémentales des produits et des services déjà existants. Les proportions varient naturellement d’un pays à l’autre en fonction des caractéristiques de leurs systèmes économiques et sociaux.
Mais même aux Etats-Unis, les innovations incrémentales ont contribué à hauteur de 77 % à la croissance de la productivité totale des facteurs, contre seulement 23 % venant des innovations de rupture. En outre, ce sont les firmes installées qui contribuent le plus à cette même croissance, soit 87 % contre 13 % venant des firmes nouvellement créées ou entrantes sur le marché (« How destructive is Innovation », Daniel Garcia-Macia, Chang-Tai Hsieh et Peter Klenow, NBER Working Paper n° 22953, 2016).
Processus ambivalent
On peut s’interroger sur la portée des innovations dites de rupture. S’agissant de la révolution numérique, non seulement les gains de bien-être peuvent paraître faibles au regard de ceux qui sont issus de la deuxième révolution industrielle, mais les gains attendus de productivité pourraient eux-mêmes être faibles. Ne voit-on pas ­surtout une transformation des marchés qui, d’un côté, permettent au ­gagnant de les emporter en totalité et, de l’autre, conduisent à une précari­sation des emplois de travailleurs devenus prétendument indépendants,avec, à la clé, un creusement des iné­galités, un délitement de la classe moyenne et finalement un affaiblissement de la croissance potentielle ?
Il ne s’agit pas ici de nier le principe de destruction créatrice, c’est-à-dire la capacité de renouvellement du tissu productif qui accompagne l’arrivée de nouveaux entrants. Mais on ne peut oublier que ce processus est ambivalent suivant que l’entrepreneuriat est consacré à la création de valeurs.

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