Chypre : le président turc Erdogan complique la réunification
Ankara renforce son emprise nationaliste sur la partie nord de l’île divisée depuis 1974.
Sener Levent est catégorique depuis son bureau enfumé, à deux pas de la ligne « verte » qui coupe Nicosie en deux : tant que Recep Tayyip Erdogan sera au pouvoir à Ankara, le patron du quotidien Afrika n’attend rien de nouvelles négociations en vue de réunifier l’île de Chypre. « Avec Erdogan, trouver un accord n’est pas possible en raison de son ultranationalisme », juge cet inlassable détracteur du président turc, l’une des voix dissidentes dans la partie nord de l’île, occupée par la Turquie depuis 1974.
De l’autre côté des barbelés de la ligne « verte », le ton se veut plus diplomatique pour ne pas obérer les chances d’une incertaine réunification. En République de Chypre, les deux candidats en lice pour le second tour de l’élection présidentielle, dimanche 4 février, se disent favorables à une reprise des tractations sous l’égide de l’ONU, après leur échec de juillet 2017, à Crans-Montana (Suisse).
Le chef de l’Etat sortant, le conservateur Nicos Anastasiades, tout comme son rival de gauche, Stavros Malas, se sont qualifiés aux dépens d’un candidat plus nationaliste, opposé à la relance des tractations. Le second tour s’annonce serré à l’issue d’une campagne dominée par l’économie et par la question nord-chypriote.
« Turquisation » de la partie nord
« Notre souci concerne la nouvelle politique d’expansion de la Turquie : il paraît difficile de la voir accepter un retrait de Chypre, alors qu’elle envoie ses troupes en Syrie », dit Ioannis Kasoulides. Le ministre des affaires étrangères de M. Anastasiades rappelle que M. Erdogan demande le maintien d’une base militaire turque sur l’île. La République de Chypre exige au contraire le départ de l’ensemble des soldats – entre 30 000 et 40 000 – stationnés au nord.
M. Kasoulides se réjouit cependant de la mise en place à Nicosie-Nord d’une coalition ouverte à des discussions, dans la foulée des élections de janvier.