Coronavirus : Angela Merkel renforcée dans une Europe affaiblie
Plus personne ne s’en souvient tant cela paraît loin, mais, il y a quelques semaines, cette fin du mois d’avril devait être un moment douloureux pour Angela Merkel. Poussée inopinément vers la sortie, sa dauphine désignée, Annegret Kramp-Karrenbauer, avait été contrainte de convoquer un congrès à la hâte pour élire son successeur à la tête de l’Union chrétienne-démocrate (CDU). Prévu samedi 25 avril, ce rendez-vous avait été inscrit dans les agendas comme les prolégomènes de « l’après-Merkel » : selon toute vraisemblance, le nouveau président de la CDU, désigné ce jour-là, devait être quasiment assuré de devenir chancelier après les élections législatives de l’automne 2021.
Mais le coronavirus est passé par là. Différé, le congrès de la CDU pourrait n’avoir lieu qu’en décembre. Et, pour l’heure, Angela Merkel, que l’on disait en bout de course, à la tête d’une « grande coalition » exténuée, se retrouve aujourd’hui au centre du jeu politique allemand et européen. Quinze ans après son élection à la chancellerie, 80 % des personnes interrogées se disaient satisfaites de son action, selon un sondage réalisé pour la chaîne ZDF, publié le 9 avril. Onze points de plus qu’un mois plus tôt.
Plusieurs facteurs expliquent ce regain de popularité. La situation de l’Allemagne face à l’épidémie, d’abord. « Jusqu’à présent, l’Allemagne, à la différence de l’Italie, de l’Espagne ou de la France, a donné un sentiment de maîtrise, avec moins de morts et des hôpitaux qui n’ont pas été surchargés. Logiquement, cela est mis au crédit du gouvernement et de celle qui le dirige », explique Ursula Münch, directrice de l’académie de science politique de Tutzing, en Bavière.
« Rhétorique de scientifique »
Le deuxième facteur est directement lié à l’action de la chancelière depuis le début de l’épidémie. « Lors de précédentes crises, celle des réfugiés, par exemple, on a beaucoup reproché à Mme Merkel de ne pas expliciter sa politique. Cette fois, c’est tout le contraire : elle s’est adressée à ses concitoyens à la télévision, ce qu’elle n’avait jamais fait en dehors de ses vœux, elle intervient deux à trois fois par semaine depuis la chancellerie, où elle répond aux questions des journalistes. Elle est beaucoup plus présente que dans le passé », explique Simon Franzmann, professeur de science politique à l’université de Siegen.
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Un troisième facteur s’ajoute aux deux précédents : le style même de la chancelière. Mis parfois à son discrédit en période calme, où il est volontiers taxé d’attentisme et d’inertie, celui-ci est salué, au contraire, dans la tempête actuelle. « Sa rhétorique de scientifique, elle qui est physicienne de formation, est adaptée à la période. Merkel explique les choses calmement, précisément et sans effet de manche. Elle a un côté rassurant qui est adapté aux circonstances », analyse Susanne Pickel, professeure de science politique à l’université de Duisburg-Essen.