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Dans la ville syrienne de Khan Cheikhoun, « une vague puanteur vous picote les narines »

07 - Avril - 2017

Dans la ville syrienne de Khan Cheikhoun, « une vague puanteur vous picote les narines »

Deux jours après avoir été la cible d’une attaque chimique, et quelques heures avant ques les Etats-Unis bombardent une base syrienne en représailles, Khan Cheikhoun est devenue « une ville déserte ». Kareem Shaheen, qui couvre le Proche-Orient pour le quotidien britannique The Guardian, a été le premier journaliste d’un média occidental à se rendre sur place.
Il décrit les rues presque vides de Khan Cheikhoun et les décombres avec des mots et avec des images diffusées sur son compte Twitter. « La seule trace de ce qu’il s’est passé, dit-il, est ce petit cratère noirci près de la partie nord de la ville, où le missile qui transportait l’agent toxique est tombé. »
« Tout ce qu’il reste de l’attaque contre cette ville de la province d’Idlib, tenue par les rebelles, est une vague puanteur qui vous picote les narines et petit éclat vert de la roquette. »
Selon Moundhir Al-Khalil, directeur de la santé de la province d’Idlib, au moins 87 personnes, dont 32 enfants, ont été tuées et plus de 500 autres blessées. « Tous les symptômes que nous avons constatés nous orientent vers le gaz sarin », dit-il au Monde. La Syrie, comme son allié russe, a rejeté toute responsabilité dans ce massacre. Le régime Assad dit avoir bombardé un bâtiment qui abritait une usine de gaz chimique tenue par des rebelles.
Kareem Shaheen a constaté qu’autour du « petit cratère » où a explosé le missile chimique, « il n’y avait rien d’autre qu’un espace délaissé couvert de poussière et des silos à moitié détruits puant la céréale oubliée et le fumier ».
« Il n’y avait pas de zone de contamination autour d’un bâtiment. La zone de contamination s’était construite autour du trou dans la route. »
Pour la population de Khan Cheikhoun, habituée à être pilonnée par le régime Assad, notamment au gaz chloré, son implication ne fait aucun doute. Il s’était déjà rendu coupable, en 2013, du bombardement de la Ghouta par des obus remplis de sarin. Entre 300 et 1 500 personnes avaient été tuées.
« Notre hôpital se remplit »
Abu Al-Baraa, présenté comme « un habitant du coin venu aider une fois qu’il avait compris l’ampleur de ce qu’il s’était passé », raconte au quotidien britannique qu’il a vu « des enfants couchés sur le sol, respirant leur dernier souffle, leurs lèvres devenant bleues ».
« Des gens sur les toits et dans les caves. Les gens dans la rue. Où que vous regardiez, il y avait des êtres humains morts. »
Les premières images du bombardement et de ses conséquences ont été diffusées le 4 avril, à l’aube, sur Twitter et sur YouTube par des médias de la rébellion anti-Assad ou par des docteurs qui voyaient arriver des patients convulsant par dizaines. Shajul Islam, qui travaille dans un hôpital de ville voisine de Binnish, a posté cette vidéo le 4 avril, accompagnée du message
(La vidéo ci-dessous dure dix minutes et contient des images qui peuvent choquer.)
Après la première vague de bombardements, pendant « que le personnel médical essayait de comprendre ce qu’il se passait, entre huit et dix attaques aériennes ont visé des bâtiments médicaux » de Khan Cheikhoun, écrit Kareem Shaheen, qui a pu en voir les ruines.
Alors que les puissances mondiales se divisent et s’apostrophent à propos de l’action militaire unilatérale des Etats-Unis en Syrie, les habitants de Khan Cheikhoun enterrent leurs morts. Dans les décombres de la ville meurtrie, Kareem Shaheen a aussi croisé le chemin d’Abdulhamid Al-Yousef, « qui recevaient les condoléances chez lui » après avoir enterré vingt membres de sa famille, dont « sa femme et ses deux jumeaux de 9 mois, Ahmed et Aya ».
« Je ne veux pas partager des images choquantes du massacre chimique en Syrie. Mais ce père tenant ses deux enfants morts a déchiqueté mon cœur. »

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