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Dernier acte de la prise en main du pouvoir judiciaire en Pologne

21 - Juillet - 2018

Une loi a été votée pour accélérer les nominations à la Cour suprême. Pour Varsovie, l’objectif est de prendre la Commission européenne de court.

Dans l’enceinte du Parlement polonais, vendredi 20 juillet, s’est joué le dernier acte d’une longue saga entamée trois ans plus tôt et qui, du point de vue d’une quasi-unanimité de juristes, portera le coup de grâce à l’indépendance du système judiciaire.
En cette dernière session parlementaire avant la pause estivale, le Parlement avait pris vendredi des allures de forteresse retranchée. Un impressionnant dispositif policier encadrait le bâtiment : une cinquantaine de fourgonnettes de police, environ 200 hommes mobilisés. Devant l’entrée, un long cordon de barrières antiémeute fait, depuis deux ans, partie du paysage, symbole d’une démocratie malade, où les coups de boutoir de la majorité ultraconservatrice du PiS (Droit et justice) contre l’Etat de droit font souvent l’objet de réactions tendues des manifestants.

Après une journée de manifestation dans le calme, les tensions étaient à leur comble dans la soirée, quand une foule de plusieurs centaines de personnes a tenté de forcer les barrières, repoussée de manière musclée par trois rangées de policiers.
A l’intérieur du Parlement, la majorité ultraconservatrice a fini par voter, à l’issue d’une semaine chaotique, un paquet de lois dont l’objectif est d’accélérer les nominations – désormais politisées – à la Cour suprême, après avoir mis à la retraite d’office 30 % de ses membres. La première présidente de la Cour, Malgorzata Gersdorf, est également visée par ces textes, alors qu’elle n’a pas l’intention de renoncer à son mandat, garanti par la Constitution. L’objectif est aussi de prendre la Commission européenne de court, et de procéder à ces nominations avant que l’exécutif européen n’ait le temps de porter l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne. Mais la coalition citoyenne « Europe, ne lâche rien ! », qui appelle à une action rapide de Bruxelles, ne désespère pas.
Trente secondes par député
Une semaine après la célébration, très solennelle, du 550e anniversaire du parlementarisme polonais, l’opposition, qui n’a pas participé au vote, dénonce une atteinte grave aux principes de base de la vie parlementaire. La veille, les députés de la majorité n’avaient pas pris la peine d’assister au débat sur leurs propres projets de loi, se contentant de procéder au vote. C’est dire si celui-ci ne constituait qu’une formalité. En commission parlementaire, le droit de parole fut restreint à 30 secondes par députés. Du jamais-vu.
« Comme tous les projets de loi de nature organique forcés depuis trois ans, ce paquet de lois a été présenté comme un projet parlementaire, et non gouvernemental, qui ne nécessite pas de consultations, s’indigne Iwona Wyszogrodzka, du mouvement Obywatele RP (Citoyens de la République). C’est scandaleux que des lois qui modifient l’équilibre institutionnel soient forcées en l’espace de deux jours, sans aucun débat. » Quand, après le vote de la loi – qui doit encore être adoptée par le Sénat –, le médiateur de la République, Adam Bodnar, garant des droits civiques, a pris la parole, tous les députés de la majorité ont quitté l’hémicycle.
Le parti de Jaroslaw Kaczynski – véritable homme fort du pays – a aussi profité de cette journée pour voter un changement de scrutin pour les élections européennes. Les nouvelles règles remettent en cause la nature jusque-là proportionnelle de ce scrutin, et favoriseront les grands partis au détriment des petites formations. Cette bipolarisation du scrutin fait largement le jeu du parti au pouvoir, dans la mesure où elle dissuadera toute liste dissidente à droite.

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