Election de Jair Bolsonaro au Brésil : félicitations sans réserve des dirigeants latino-américains

30 - Octobre - 2018

e président des Etats-Unis, Donald Trump, a donné le ton, en saluant très vite et chaleureusement l’élection de Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême droite qui a emporté haut la main, dimanche 28 octobre, le second tour du scrutin brésilien. Majoritaires sur le continent latino-américain, les chefs d’Etat de droite ont suivi. L’Argentin Mauricio Macri, le Chilien Sebastian Piñera, le Paraguayen Mario Abdo, le Mexicain Enrique Peña Nieto, le Colombien Ivan Duque ont tous adressé leurs félicitations au nouveau dirigeant.
Diplomatie oblige ? Aucun n’a manifesté d’inquiétudes pour l’avenir de la démocratie et des droits de l’homme au Brésil. Le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains, l’Uruguayen Luis Almagro, a même « applaudi le discours de vérité et de paix » de M. Bolsonaro.
« Le Brésil est et doit continuer à être un partenaire stratégique, en marge de celui qui le gouverne », a résumé, lundi, le secrétaire argentin chargé des thèmes stratégiques, Fulvio Pompeo. Les quelques gouvernements de gauche encore au pouvoir sur le continent semblent d’ailleurs eux-mêmes d’accord : le Venezuela de Nicolas Maduro, la Bolivie d’Evo Morales et le Nicaragua de Daniel Ortega ont salué la victoire du candidat d’extrême droite. Caracas a pris soin toutefois d’adresser ses félicitations « au peuple du Brésil » plutôt qu’à l’élu de « ce pays frère ».

L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch a, quant à elle, tiré le signal d’alarme avec vigueur. « M. Bolsonaro est un démagogue qui défend les atrocités de la dictature militaire brésilienne et la torture et qui tient un discours ouvertement discriminatoire contre les Noirs, les femmes et les minorités sexuelles, déclaré Jose Miguel Vivanco, directeur pour les Amériques de l’organisation. Son élection est un grave revers. »
Crainte d’une contagion
Aujourd’hui à la tête du Haut-Commissariat pour les droits de l’homme des Nations unies, l’ancienne présidente chilienne Michelle Bachelet a signalé que ses services resteraient « très attentifs » à la situation brésilienne. Les intellectuels, les démocrates, les secteurs progressistes du continent sont eux aussi inquiets, voire paniqués. Ils craignent une contagion. M. Bolsonaro polarise l’Amérique latine comme il polarise son pays.
L’effondrement du Venezuela hante par ailleurs la diplomatie latino-américaine. Le Brésil est, après la Colombie, le pays qui reçoit le plus de migrants en provenance de la République bolivarienne. Anticommuniste viscéral, M. Bolsonaro a démenti, dans les derniers jours de sa campagne, vouloir intervenir militairement au Venezuela, comme l’avait suggéré son futur vice-président, le général Hamilton Mourao. Lundi, Bogota démentait à son tour toute velléité interventionniste au Venezuela, en réponse à un article de Folha de Sao Paulo qui en faisait état. A Caracas, la droite radicale qui voudrait, elle, une intervention étrangère pour se débarrasser de M. Maduro voit dans Jair Bolsonaro « un sauveur ». Sur son compte Twitter, la dirigeante Maria Corina Machado a écrit : « [Nous], Les Vénézuéliens, savons que nous comptons sur le Brésil dans notre lutte pour la liberté et la démocratie. »
Le programme économique et l’ultralibéralisme affiché de M. Bolsonaro, cependant, séduisent à droite. Dans son premier discours, le président élu a repris à son compte les directives du Fonds monétaire international, ravissant les marchés : déficit zéro, réduction de la dette publique, privatisations. Mais les analystes et les opérateurs économiques craignent que la politique du président d’extrême droite n’affecte à terme les relations commerciales du pays et l’intégration latino-américaine, déjà bien mal en point.
Les membres du Mercosur – l’espace de libre-échange qui réunit, outre le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay – sont particulièrement inquiets. « Le bloc ne sera pas une priorité », a prévenu le futur ministre brésilien de l’économie, Paulo Guedes. Au cours de sa campagne, M. Bolsonaro n’a pas caché qu’il entend privilégier les relations commerciales « hors Mercosur », notamment avec les Etats-Unis. En proie à une grave crise économique et avide de financements internationaux, l’Argentine craint de faire les frais de ce nouvel axe Trump-Bolsonaro.

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