En Arabie saoudite, une purge visant des princes, des ministres et des hommes d’affaires

06 - Novembre - 2017

Ces arrestations, ordonnées par la commission anticorruption dirigée par le prince Mohammed Ben Salman, seraient une manière d’étouffer les contestations internes.
La commission, qui a ordonné les interpellations, est dirigée par le prince héritier Mohammed Ben Salman (ici à Riyad, le 24 octobre).
Des dizaines de princes, de ministres et d’hommes d’affaires ont été arrêtés en Arabie saoudite lors d’une « opération anticorruption » qualifiée de « décisive » par les autorités, dimanche 5 novembre. Selon le pouvoir saoudien, il s’agit de onze princes, quatre ministres en exercice et plusieurs dizaines d’ex-membres du gouvernement, dont les comptes bancaires seront gelés.
A l’origine de cette purge : une commission anticorruption, dont la création a été annoncée ce week-end par le roi Salman et qui est dirigée par le prince héritier, Mohammed Ben Salman, âgé de 32 ans.

L’identité de toutes les personnes interpellées n’est pas encore connue. La présence de Miteb Ben Abdullah, fils de l’ancien roi et chef de la garde nationale, du ministre de l’économie, Adel Fakih, d’Abdallah Al-Sultan, chef de la marine, et surtout du prince milliardaire Al-Walid Ben Talal ont néanmoins été confirmées par Riyad.
Le milliardaire Al-Walid Ben Talal parmi les interpellés
Al-Walid Ben Talal, dont la fortune est estimée à 17 milliards de dollars (14,6 milliards d’euros) par le magazine Forbes, est un acteur de premier plan dans le monde financier saoudien. Il possède des participations dans la banque américaine Citigroup, Twitter (5,2 %), Lyft (5,3 %) et Time Warner via sa société Kingdom Holding. Il avait récemment racheté à Crédit agricole la moitié environ d’une participation de 31,1 % dans l’établissement saoudien Banque Saudi Fransi.
Alwalid est également réputé pour son franc-parler. A cet égard, il avait fait parler de lui en 2015 lorsqu’il avait jugé que Donald Trump, alors en pleine campagne électorale, était une « honte ».

La commission anticorruption a ouvert des enquêtes sur des affaires, pour certaines assez anciennes, dont une concerne les inondations meurtrières ayant dévasté la ville de Jeddah, à l’ouest, en 2009.
Avec ces arrestations, « le royaume ouvre une nouvelle ère et une politique de transparence, de clarté et de responsabilité », a déclaré le ministre des finances Mohammed Aljadaan, ajoutant que ces actions « décisives préserveront le climat pour les investissements et renforceront la confiance dans l’Etat de droit ». Le conseil des religieux a soutenu ce coup de filet, insistant sur le fait que la lutte contre la corruption était « aussi importante que le combat contre le terrorisme ».
Lire (en édition abonnés) : En Arabie saoudite, le clan du roi fait taire la dissidence
Arabie « modérée, ouverte et tolérante »
Contrôlant les principaux leviers du gouvernement, de la défense à l’économie, le prince héritier Mohammed Ben Salman semble chercher à étouffer les contestations internes avant tout transfert formel du pouvoir par son père, le roi Salman, âgé de 81 ans. Cette vaste purge a lieu moins de deux semaines après une intervention choc faite à un forum économique d’investisseurs, le 24 octobre à Riyad. Ce jour-là, il avait promis une nouvelle Arabie « modérée, ouverte et tolérante », en rupture avec l’image d’un pays longtemps considéré comme l’exportateur du wahhabisme, version rigoriste de l’islam qui a nourri nombre de djihadistes à travers le monde :
« Nous n’allons pas passer trente ans de plus de notre vie à nous accommoder d’idées extrémistes et nous allons les détruire maintenant ».
En septembre, les autorités avaient annoncé la levée de l’interdiction faite aux femmes de conduire – une révolution – mais, peu auparavant, celles-ci avaient déjà procédé à des arrestations dans les milieux religieux et intellectuels. Des organisations humanitaires avaient alors dénoncé « l’autoritarisme » du prince héritier.
Lire (en édition abonnés) : Révolution en Arabie saoudite : les femmes vont pouvoir prendre le volant
Fin octobre, le prince héritier a promis une Arabie « modérée », en rupture avec l’image d’un pays longtemps considéré comme l’exportateur du wahhabisme, une version rigoriste de l’islam qui a nourri nombre de djihadistes à travers le monde.
Le prince a lancé plusieurs chantiers de réformes – droit de conduire pour les femmes et ouvertures de cinémas notamment – qui marquent le plus grand bouleversement culturel et économique de l’histoire moderne du royaume, avec une marginalisation de fait de la caste des religieux conservateurs.Dans le même temps, il a œuvré pour renforcer son emprise politique sur le pouvoir, procédant notamment à une vague d’arrestations de dissidents, dont des religieux influents et des intellectuels.

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