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« En Iran, la peur a changé de camp »

01 - Mars - 2018

Dans sa chronique, Christophe Ayad, chef du service International du « Monde », observe que les récents mouvements de contestation ont révélé l’existence de sérieuses failles au sein du régime.

Chronique. L’histoire retiendra peut-être que c’est là, sur ce caisson électrique gris et anonyme au croisement des avenues Enghelab et Taleghani, dans le centre de Téhéran, que tout a commencé. Que tout a commencé ou que tout a fini, cela dépend du point de vue.
Le 27 décembre 2017, Vida Movahed, 31 ans, a grimpé sur le caisson et, sans un mot, après avoir ôté son voile blanc, l’a agité au bout d’une perche. Depuis, des dizaines d’autres femmes de tous âges et de toutes tendances l’imitent. Une protestation tranquille et débonnaire, comme une manifestation de pêcheurs à la ligne.
Il y a, dans ce geste, comme l’écho inversé de celui de Mohamed Bouazizi, le vendeur ambulant tunisien qui s’était immolé le 17 décembre 2010 devant la mairie de Sidi Bouzid, donnant le signal d’une contestation qui allait déboucher sur la révolution tunisienne et le soulèvement d’une bonne moitié du monde arabe. Mais là où Mohamed, désespéré, ne voyait d’autre issue que la mort, Vida, elle, est du côté de la vie. Et c’est pourquoi sa protestation gêne tellement les autorités iraniennes, qui ne savent comment s’y prendre pour y mettre fin, allant jusqu’à recouvrir le fameux caisson.
Emeutes contre la vie chère et le chômage
Quelque chose a changé en République islamique d’Iran. Est-ce grâce à Vida Movahed ou à d’autres ? Peu importe, mais le fait est là : la peur a changé de camp, ou plutôt, les Iraniens n’ont plus peur de leur régime.

Le geste de Vida Movahed est intervenu en pleine vague de manifestations, qui ont agité l’Iran fin décembre 2017 et début janvier. Cette contestation, qui a débuté à Machhad, une ville conservatrice, n’avait rien à voir avec la demande de libéralisation portée par la jeune femme. Elle aurait pour origine la colère de petits épargnants ruinés par la faillite d’instituts de crédit aux pratiques similaires à la pyramide de Ponzi. La capitale, Téhéran, est restée plutôt à l’écart de la protestation,...

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