En Iran, une fuite en avant répressive
La féroce répression qui vient de s’abattre sur les mouvements de protestation hostiles au régime iranien constitue un tournant dans l’histoire de la République islamique née de la révolution de 1979. La révolte, déclenchée le 15 novembre par une augmentation d’au moins 50 % des prix des carburants, vise non une simple réforme du régime comme en 2009, mais est allée, de slogan en slogan, parfois jusqu’à réclamer sa chute. Outre la capitale, Téhéran, les émeutes ont rapidement gagné plus d’une centaine de villes où des stations-service, des banques et des magasins ont été incendiés.
Face aux forces de l’ordre tirant à balles réelles, plus de 150 personnes ont été tuées, selon Amnesty International, qui suggère que le bilan réel pourrait être plus lourd. La répression s’est en effet exercée pour ainsi dire à huis clos, puisque, fait sans précédent dans le pays, les dirigeants iraniens ont bloqué presque totalement les connections Internet. La levée partielle de ce black-out, vendredi 22 novembre, après cinq jours de coupure, suggère que les autorités pensent être venues à bout du soulèvement.
Dénoncer un « complot » ourdi de l’étranger, frapper vite et fort pour éviter que le mouvement ne prenne racine. Telle semble avoir été la stratégie retenue par les mollahs qui, sentant leur pouvoir en jeu, ont choisi cyniquement la confrontation avec leur propre peuple, confirmant la nature d’un régime qui n’a cessé de se renforcer dans la guerre ou la violence. Cette fois, l’enjeu est décuplé par l’extraordinaire écho des révoltes qui, de Beyrouth à Bagdad, enflamment la rue contre l’Iran dans cet « arc chiite » stratégiquement construit par Téhéran. Partout, les peuples dénoncent la confusion entre le religieux et le politique et la mainmise de la République islamique.
Soulager la population iranienne
Il serait pourtant hasardeux de voir dans le soulèvement iranien l’ébranlement du régime et le prélude à sa chute ouvertement souhaitée Donald Trump, depuis qu’en mai 2018 il a dénoncé unilatéralement l’accord sur le nucléaire iranien de 2015. La remise en vigueur des sanctions a fait chuter de vitales exportations pétrolières de 2,3 millions de barils voici un an à moins de 300 000 barils. Outre la paupérisation de la population déjà lourdement éprouvée par la mauvaise gestion de l’économie et une corruption endémique, la stratégie américaine de confrontation a déjà abouti à la reprise de l’enrichissement de l’uranium et risque de déboucher sur un nouveau raidissement.
La République islamique sait que les Occidentaux, eux, évitent le conflit et qu’elle peut tout à la fois exercer la violence contre son peuple, continuer d’affirmer ses ambitions régionales et multiplier les provocations comme elle l’a fait en abattant un drone espion américain ou en attaquant des installations pétrolières saoudiennes stratégiques.