« En Libye, nous ne sommes que des esclaves »

16 - Août - 2017

L’enfer migratoire de la Libye (1/3). Dès leur entrée en Libye sur la route de l’Europe et avant d’entreprendre la périlleuse traversée de la Méditerranée, les migrants sont victimes de violences systématiques, de travail forcé et d’extorsions
Crédits : SAMUEL GRATACAP POUR LE MONDE

« Pour les Noirs, la Libye, c’est l’esclavage moderne. » C’était au moment de se séparer. La visite du centre de détention pour migrants de Misrata touchait à sa fin. Ernest Ikpotokin souhaitait ajouter quelques mots, ultime confidence. Alors, le jeune Nigérian a prononcé la formule, énorme, terrible, la phrase qui résume sa tragique odyssée au cœur du chaos libyen. « En Libye, nous ne sommes que des esclaves », a-t-il répété, comme si les choses n’étaient pas assez claires.
Ici à Misrata, ville portuaire de la Tripolitaine, dans l’ouest de la Libye, Ernest Ikpotokin ne sait pas trop ce qu’il attend. « Nous sommes fatigués, nous voulons juste rentrer chez nous », dit-il dans un souffle. Sweat-shirt vert pomme, menton piqué d’une barbe à peine naissante, il ouvre des yeux incrédules. Migrant au rêve fracassé, broyé par le trafic d’êtres humains probablement le plus massif et le plus violent du monde et de l’époque.
En 2016, l’Italie a vu débarquer sur ses côtes 180 000 personnes, pour l’essentiel en provenance de Libye, où elles avaient confié leur sort à des réseaux criminels de passeurs. Depuis le 1er juillet, les arrivées ont marqué un net fléchissement : environ 13 500, contre 30 500 sur la même période de l’année précédente, du fait de la coopération accrue entre Rome et Tripoli. Dans leur écrasante majorité, ces candidats à l’exil européen viennent de l’Afrique subsaharienne, principalement du Nigeria, de l’Erythrée, de la Gambie, du Soudan, de la Côte d’Ivoire et de la Guinée.
« Là-bas, vous aurez de belles maisons, de belles voitures »
La Méditerranée est là, si proche, à quelques encablures de sa geôle, mais Ernest Ikpotokin n’ose même plus espérer la traverser. Son horizon se borne à des serviettes éponge nouées au métal brûlant des fenêtres et à des matelas mousse étalés sur le sol carrelé. Dans un coin, une marmite de macaronis, seule pitance des détenus. Dans cette chambrée des Nigérians,...

Autres actualités

03 - Octobre - 2019

Afrique du Sud-Nigeria : la coopération économique à l’épreuve des tensions xénophobes

Selon l’expression consacrée, l’Afrique du Sud et le Nigeria ont toujours eu le rôle de « locomotives » du continent. Les deux géants...

02 - Octobre - 2019

La tentative ratée de « contact direct » entre Trump et Rohani à New York

Tout au long de ces quarante-huit heures new-yorkaises, les 23 et 24 septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, Emmanuel Macron n’avait pas...

02 - Octobre - 2019

Crise politique majeure au Pérou entre le président et le Congrès fujimoriste

Mardi 1er octobre, les députés de la majorité parlementaire fujimoriste se sont présentés au Congrès, pourtant dissous la veille par le président...

30 - Septembre - 2019

Brexit : la montée de la violence verbale inquiète les responsables politiques

« Je n’ai pas peur des futures élections, j’ai peur d’être blessée ou même tuée. » Jess Phillips, députée, a...

30 - Septembre - 2019

A Hongkong, le rôle de la police en accusation face aux manifestants

Les 5 ans de la « révolution des parapluies », 28 septembre 2014, et les 70 ans du 1er octobre 1949 : deux anniversaires qui alimentent la colère de Hongkong, alors que...