En Tunisie, l’immolation du journaliste « Rzouga » pointe la détresse du pays

10 - Janvier - 2019

« Il était assis là, à cette place. » Les yeux couleur noisette de Safwa Guermazi s’embuent quand elle s’installe dans ce bar de Kasserine, ville du centre-ouest de la Tunisie, non loin de la frontière avec l’Algérie. Safwa Guermazi est une collaboratrice de la chaîne privée Telvza TV. Sous la guitare rivée au mur, touche ludique en ce repaire de la jeunesse, la chaise en plastique rouge à gauche de Safwa est vide, monumentale absence. « Il commandait toujours un café-crème », souffle la jeune femme, bonnet de laine pourpre d’où s’échappe une longue mèche brune. « ll était comme mon frère », ajoute-t-elle d’une voix brisée.
« Il » était donc assis là, son collègue et « frère » Abderrazak Zorgui, quelques jours avant son sacrifice du 24 décembre. L’immolation par le feu de ce journaliste de Telvza TV âgé de 29 ans, correspondant très populaire à Kasserine, a jeté l’effroi dans cette cité de la Tunisie intérieure, pourtant coutumière de convulsions. Dans une vidéo diffusée sur Facebook avant le drame, Abderrazak Zorgui, plus connu sous le surnom de « Rzouga », avait déclaré vouloir mener « une révolution tout seul » au nom des « chômeurs » et des « pauvres » de Kasserine, victimes d’un « mensonge » depuis « huit ans ». Dans les jours qui ont suivi, quatre autres jeunes de Kasserine se sont à leur tour immolés, mais ont survécu à leurs brûlures. « Il s’agit d’une nouvelle culture de l’immolation », s’inquiète Monia Mhamdi, militante associative.
Coupable réminiscence
Brutalement, la mémoire de Mohamed Bouazizi, ce vendeur ambulant de la ville voisine de Sidi-Bouzid, dont l’immolation, le 17 décembre 2010, avait été l’étincelle du « printemps tunisien » de 2011, a ressurgi, telle une coupable réminiscence. Le geste fatal de « Rzouga » n’a pas, à ce stade, provoqué l’escalade de troubles qu’il semblait espérer, une sorte de réédition de l’« effet Bouazizi ». Mais à Kasserine, comme dans d’autres cités de cet arrière-pays tunisien marginalisé par rapport à un littoral plus prospère, le ressentiment social couve, périlleux sentiment d’avoir été trahi. « Depuis 2011, les pauvres se sont appauvris et les riches se sont enrichis », grince Safwa.

Autres actualités

25 - Juin - 2019

En Algérie, un durcissement pour les délits d’opinion

Du délit d’opinion au délit de drapeau, un nouveau pas, inédit, a été franchi par la justice algérienne. Au moins 17 manifestants,...

24 - Juin - 2019

Mahmoud Abbas rejette tout plan économique américain sans solution politique

Psalmodie désespérée ou boussole ? Mahmoud Abbas a évoqué le droit international à de multiples reprises, dimanche 23 juin, au cours d’un exercice...

22 - Juin - 2019

Une scène de ménage perturbe la marche de Boris Johnson vers Downing Street

Ce ne devait être qu’une formalité. Mais la marche supposée irrésistible de Boris Johnson vers la direction du Parti conservateur et, partant, du Royaume-Uni, est...

22 - Juin - 2019

L’Iran met en garde les Etats-Unis sur les conséquences en cas d’attaque

Les tensions restent fortes entre l’Iran et les Etats-Unis. L’armée iranienne a averti Washington samedi 22 juin que la moindre attaque contre son territoire aurait, selon...

21 - Juin - 2019

Un secrétaire d’Etat britannique dans la tourmente

En pleine guerre de succession à Theresa May, le Parti conservateur n’avait pas besoin de cette vidéo déjà vue des centaines de milliers de fois. Alors...