En Turquie, Erdogan est le chef de l’entreprise de défense
Depuis le coup d’Etat raté de juillet 2016, la Turquie n’a de cesse de vouloir renforcer ses capacités militaires. Et son président a une obsession : se passer de plus en plus de ses partenaires étrangers et développer sa propre industrie.
Dimanche 21 janvier, au deuxième jour de l’opération militaire turque sur la région d’Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie, une photographie faisait la « une » des médias progouvernementaux. Prise depuis le centre de commandement des opérations à Hatay, la région qui, au sud de la Turquie, jouxte l’enclave syrienne d’Afrin, elle montrait deux personnes en civil en train de suivre sur des écrans la progression des drones militaires en action.
Tous deux sont des membres de la famille du président Recep Tayyip Erdogan. L’un est Bilal Erdogan, son fils cadet, l’autre est Selçuk Bayraktar, son gendre, le mari de sa fille cadette, Sümeyye.
Jeune ingénieur formé aux Etats-Unis, Selçuk Bayraktar était présent en qualité de directeur technique de Baykar Makina, l’entreprise fondée par son père qui produit des drones armés et non armés pour l’armée turque. Venu observer les performances de ses engins, il s’est réjoui sur son compte Twitter : « Nos nouvelles technologies, authentiques, ont entamé leur mission à Afrin. »
Une ambition sans limite
Partie de rien, l’entreprise familiale est devenue le principal fournisseur de drones pour l’armée qui les a utilisés dans le cadre de ses opérations au sud-est du pays contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en guerre contre Ankara depuis 1984, et elle continue de le faire à Afrin. Le succès de Baykar Makina flatte les ambitions de Recep Tayyip Erdogan, soucieux de voir émerger une « nouvelle Turquie », offensive et sûre d’elle, moins dépendante de ses alliés occidentaux.
La campagne militaire entamée le 20 janvier à Afrin contre les Unités de protection du peuple (YPG), milices kurdes cousines du PKK, sert de vitrine aux progrès de l’industrie turque de défense. Au lendemain de son lancement, les médias ont été invités par le premier ministre turc, Binali Yildirim, à vanter l’utilisation « à plus de 75 % » d’armes et de munitions...