Face au Congrès, Donald Trump soigne son ton présidentiel sans renier son cap

01 - Mars - 2017

Face au Congrès, Donald Trump soigne son ton présidentiel sans renier son cap

Loin de la tonalité de son discours d’investiture, le 45e président des Etats-Unis a livré, mardi 28 février, sa première allocution devant les élus du pays.


Il n’a pas été question de « carnage » américain comme lors de la prestation de serment, le 20 janvier, ponctuée par son poing brandi. Pas question non plus des accusations contre les « médias bidon » martelées pendant sa conférence de presse du 16 février. Donald Trump a rompu, mardi 28 février, avec la rhétorique de ses discours de campagne souvent proches de la dystopie, ainsi qu’avec les salves assassines publiées sur son compte Twitter. Peu prodigue de coutume en références historiques, il a même cité deux anciens présidents américains, deux républicains consensuels, Abraham Lincoln et Dwight Eisenhower.
Le cadre solennel du Congrès, où les deux Chambres étaient réunies pour l’entendre pour la première fois, et le trouble créé par cinq premières semaines tumultueuses, quoi qu’en dise la Maison Blanche, imposait un effort de discipline. M. Trump y a sacrifié sur le ton, sans pour autant renier les thèmes qui l’ont porté à la présidence, ni sa promesse de « donner la priorité aux Américains », après des décennies gâchées selon lui à investir à fonds perdu à l’extérieur des frontières des Etats-Unis.
Une image plus présidentielle
Comme d’autres avant lui, il a également su jouer de la présence à la tribune d’Américains qu’il avait invités, en les citant littéralement comme témoins, qu’il s’agisse de parents de victimes de personnes sans papiers au chapitre des méfaits de l’immigration illégale, ou de parents de policiers tués dans l’exercice de leurs fonctions pour rappeler au respect des forces de police. L’émotion a même saisi le Congrès tout entier lors que le président a rendu un hommage appuyé à un soldat des forces spéciales tué en janvier, peu après son arrivée à la Maison Blanche, au cours d’un raid au Yémen, Ryan Owens.
La veuve de ce dernier avait pris place à la droite de sa fille Ivanka. Elle a accueilli debout l’ovation interminable, le visage baigné de larmes. Le père du militaire avait refusé pour sa part de rencontrer le président, compte tenu des interrogations soulevées par le raid, première opération autorisée par la nouvelle administration. Au cours d’un entretien accordé le matin même à la chaîne Fox News, M. Trump s’était défaussé ostensiblement de ses responsabilités de commandant en chef en soulignant celles de l’échelon militaire.
En parvenant à ne pas trop s’écarter de son discours, comme il en a souvent pris la liberté par le passé, M. Trump a donc pu projeter une image plus présidentielle. Alors qu’il n’a cessé de dénoncer la « pagaille » qu’il a selon lui héritée de son prédécesseur, Barack Obama, il s’est ainsi gardé mardi de s’appesantir sur ce legs. Au contraire, il s’est efforcé de tracer un cap optimiste vers l’avenir et les 250 ans des Etats-Unis, qui coïncideraient presque pour lui avec la fin d’un second mandat s’il devait être réélu en 2020. « Un nouveau chapitre de la grandeur américaine est en train de s’ouvrir, a-t-il voulu croire. Nous assistons à la renaissance de l’esprit américain. »
Appels au consensus
Dans cet esprit, M. Trump a tendu la main aux démocrates, qui l’ont écouté impassibles ou en hochant régulièrement la tête en signe de dénégation. « Telle est notre vision. Telle est notre mission. Mais nous ne pourrons la remplir qu’ensemble », a-t-il néanmoins assuré. Dans une allusion au mouvement des suffragettes, de nombreuses élues s’étaient vêtues de blanc en signe de préoccupation pour les droits des femmes sous une administration déterminée par exemple à limiter le plus possible l’avortement.
M. Trump a cependant doublé ses appels au consensus et aux compromis par la réaffirmation de convictions qui ne laissent guère de place, justement, à des majorités de projets. A commencer par le rappel d’un nationalisme économique synonyme de protectionnisme et d’une extrême fermeté affichée en matière d’immigration. « En appliquant enfin nos lois sur l’immigration, nous augmenterons les salaires, aiderons les chômeurs, économiserons des milliards de dollars et renforcerons la sécurité de nos communautés », a-t-il déclaré.
Le même volontarisme a été affiché en matière de réforme fiscale. « Nous devons relancer le moteur de l’économie américaine, faciliter l’activité de nos entreprises aux Etats-Unis et rendre les choses beaucoup plus difficiles à celles qui voudraient s’en aller », a-t-il dit. M. Trump a également agité sous les yeux de républicains extatiques la perspective de l’abandon de l’extension de la protection sociale héritée de son successeur, l’Obamacare, promettant un système à la fois moins cher, plus efficace et plus souple, que la majorité républicaine du Congrès peine pourtant à traduire dans la loi.
Vers une immigration « au mérite »
Le président n’a pas évoqué une seule fois mardi la lutte contre le réchauffement climatique et ses défis. Il a évoqué un plan de modernisation des infrastructures de 1 000 milliards de dollars (949 milliards d’euros), mais sans trancher sur son financement, qui fait l’objet d’un désaccord feutré avec les républicains du Congrès. Il n’a pas parlé non plus de l’automatisation du travail, qui constitue pourtant pour les emplois américains un danger plus grand que l’immigration illégale. Concernant celle-ci, contrairement à ce qu’indiquaient certaines fuites dans la presse quelques heures avant son discours, il n’est pas sorti de l’ambiguïté à propos du sort des millions de sans-papiers sans casier judiciaire dont il avait évoqué l’expulsion pendant la campagne, avant de se raviser.
Recevant dans la journée des patrons de chaînes de télévision, M. Trump s’était en effet dit ouvert, selon la presse américaine, à un statut intermédiaire pour ces personnes souvent présentes aux Etats-Unis depuis des années. Cette confidence ne s’est cependant pas frayée un chemin jusqu’à son discours au Congrès. La seule réforme de l’immigration esquissée mardi a concerné un système « au mérite » inspiré des exemples canadiens et australiens.
Enfin, le ton du président américain est resté mesuré lorsqu’il a évoqué brièvement la place des Etats-Unis dans le monde. M. Trump n’a pas rompu avec l’intention de réduire le déploiement américain, à l’exception de la lutte contre le « terrorisme islamique radical », qu’il veut « rayer de la planète ». « Mon travail ne consiste pas à représenter le monde. Mon travail consiste à représenter les Etats-Unis », a-t-il lancé, se montrant cependant plus amène que par le passé vis-à-vis de l’OTAN, qu’il a promis de « soutenir fermement ».
Après avoir souhaité une hausse significative des crédits militaires, M. Trump a plaidé pour un monde pacifié. « Nous voulons l’harmonie et la stabilité, pas la guerre et le conflit », a-t-il déclaré. Pas une seule fois il n’a mentionné la Russie, alors qu’il défend l’idée d’un réengagement avec Moscou.
M. Trump a conclu son discours en assurant que « le temps de la pensée mesquine est révolu ». « Il nous faut seulement trouver le courage de partager les rêves qui emplissent nos cœurs », a-t-il ajouté, lyrique. Alors qu’il recueille pour l’instant le plus faible soutien pour un président en début de mandat dans l’histoire récente des Etats-Unis, M. Trump espère sans doute que ses efforts de pacification, cette fois-ci intérieure, lui permettront d’élargir sa base. A condition cependant que la mue de mardi soit durable.

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