Forte mobilisation des pro-européens à Londres

27 - Mars - 2017

Forte mobilisation des pro-européens à Londres

Jamais Londres n’avait vu autant de drapeaux de l’Union européenne (UE). Dans cette capitale où aucun bâtiment public – hormis les ambassades – n’en arbore et où les manifestations font rarement le plein, le défilé aux allures de raz-de-marée pro-européen organisé samedi 25 mars avait un goût d’apothéose triste. Sous un ciel aussi bleu que les calicots européens brandis tout au long du cortège, des dizaines de milliers de Britanniques ont proclamé leur attachement au continent et à l’UE tout en vouant aux gémonies le « hard Brexit » prôné par la première ministre, Theresa May.
A l’heure où les Vingt-Sept célébraient les 60 ans du traité de Rome et tentaient d’imaginer l’avenir, les manifestants de Londres enrageaient de rester au bord du chemin ou de faire marche arrière. « Demain les montres reculent d’une heure. Mercredi [jour de l’officialisation du Brexit par Mme May], elles vont reculer de quarante ans », résumait une pancarte. Aux « Happy birthday EU » repris en chœur faisaient écho les « Better me and EU together » et les « On ne voulait pas ça ! », comme pour déplorer la fin d’une histoire d’amour.
Avertissement
Il faut dire que ce samedi-là était particulièrement lourd. Le défilé s’est achevé par une minute de silence devant les grilles de Westminster, trois jours après l’attaque terroriste qui a fait quatre morts au même endroit. Organisée sur le thème « Unis pour l’Europe » neuf mois après la victoire du Brexit (51,9 %), la manifestation se voulait aussi un avertissement à Mme May qui, mercredi 29 mars, doit notifier officiellement à l’UE qu’elle demande le divorce. « La sortie du marché unique européen n’était pas incluse dans le mandat du référendum. Theresa May a détourné le vote pour mettre en œuvre le programme de la droite extrême », soutenait Ben Lovejoy, un écrivain de 53 ans dont la pancarte exprimait son inquiétude : « Je suis britannique et je suis dans une manif. C’est que ça doit aller mal. »
Etait réunie la foule des 48 %, la presque moitié du pays qui a voté pour rester dans l’UE, des gens plutôt éduqués, prospères, blancs, polyglottes, souvent des couples mixtes avec des poussettes. « Ma femme travaille depuis quinze ans pour le Service national de santé [NHS], mais elle est française et pourrait être expulsée après le Brexit », s’indignait Paul Collins, un Britannique de 39 ans. « Ma mère est allemande et mon père écossais, je suis le résultat d’une union européenne », proclamait Colin Wilson, physicien à Oxford. Une petite fille portait cette étiquette : « Née en Angleterre, fabriquée en Europe. »
La quasi-invisibilité des partis politiques et les innombrables pancartes bricolées à la maison soulignaient une anomalie : les opposants au Brexit n’ont pratiquement aucun représentant politique hormis le minuscule parti libéral-démocrate. A la fin du défilé, son leader, Tim Farron, a pris la parole et réclamé un deuxième référendum sur le deal final avec Bruxelles, « pour que nous puissions regarder nos petits-enfants dans les yeux ». Le Labour de Jeremy Corbyn, lui, a brillé par son absence. Il colle à Theresa May pour ne pas perdre ses bastions populaires du nord pro-Brexit.
« Nous vivons une double tragédie, résumait Richard Naylor, un consultant de 48 ans : le Brexit et la direction du Labour ». Sur un fauteuil de handicapé, une manifestante avait disposé les effigies grotesques de Theresa May, Boris Johnson, Nigel Farage (ex-chef du UKIP ; extrême droite) et Jeremy Corbyn surmontées d’une grande voile. Enveloppée dans des drapeaux européens, elle promenait dans le défilé cette « nef des fous ».

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