Hamit Bozarslan : « La Turquie d’Erdogan est un exemple radical des antidémocraties du XXIe siècle »

26 - Juin - 2018

La victoire électorale du président sortant, Recep Tayyip Erdogan, va confirmer le processus de re-radicalisation du régime déjà aux abois, estime le sociologue Hamit Bozarslan, dans une tribune au « Monde ».

Ainsi Recep Tayyip Erdogan va pouvoir former son gouvernement, contrôler l’Assemblée et nommer les juges et les procureurs ; bref exercer pleinement les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Plus qu’un nouveau tournant autoritaire, le régime que le reis turc instaure à la faveur des élections du dimanche 24 juin représente l’un des exemples les plus radicaux des antidémocraties du XXIe siècle.

L’erdoganisme part du principe que la nation turque, bras armé de l’islam, aurait reçu de l’histoire la mission de dominer le monde pour lui apporter justice et harmonie. Cette mission aurait cependant été entravée par l’inimitié de l’Occident, la trahison des ennemis de l’intérieur essaimés à travers la vaste « mère patrie de 18 millions de km2 », et l’aliénation des élites turques occidentalisées.
Le président le rappelle, la première guerre mondiale continue avec sa seule et unique finalité : détruire la Turquie. Faire face à cette menace exige la refondation de la nation dans son essence altérée.
Paramilitarisation de l’Etat
Au-delà de cet impératif de survie, il fixe aussi un objectif à échéance à ses sujets : 2071, le millénaire de la victoire turque sur Byzance, doit témoigner de la naissance d’une nouvelle ère de domination turque. Les « amis de 2071 » admettront « naturellement » la nécessité d’une fusion charnelle entre la nation et son chef : le reis doit puiser sa légitimité dans la nation pour incarner son passé et son futur, honorer ses « martyrs » dont le sang « a transformé la terre en patrie » et le « tissu en drapeau », et doter le pays d’une puissance digne de son rang.

Cet arrière-fond idéologique, réactivé et radicalisé à chaque défi que le régime d’Erdogan a dû relever en interne et à chaque défaite qu’il a subie en externe, explique largement la trajectoire de la Turquie des années 2010.

Autres actualités

04 - Mai - 2019

Aux Etats-Unis, l’embellie salariale profite d’abord aux plus pauvres

Les salaires augmentent enfin, et ce sont les plus bas qui progressent le plus. Après trente ans de croissance des inégalités, un frémissement a-t-il lieu dans...

03 - Mai - 2019

Ivan Krastev : « Construite dans la peur du passé, l’Europe a aujourd’hui peur de l’avenir »

Une désintégration de l’Europe est-elle possible ? Le risque est bien réel. Mais cette notion de désintégration est ressentie de façon...

03 - Mai - 2019

Cameroun : une chercheuse de Human Rights Watch interdite d’entrée sur le territoire

Une chercheuse de Human Rights Watch (HRW) travaillant sur le conflit en zone anglophone s’est vu refuser, mi-avril, l’entrée sur le territoire camerounais, a...

02 - Mai - 2019

En Bulgarie, un scandale de détournements de fonds européens secoue le gouvernement

C’est écrit sur une petite pancarte. A l’entrée du village de Dolna Banya, au centre de la Bulgarie, l’Hôtel Nikol a touché des fonds européens...

02 - Mai - 2019

Exécutions en Arabie saoudite : « La paralysie et l’hypocrisie continuent de régner au sein des nations »

Après l’affaire Jamal Khashoggi [l’assassinat du journaliste saoudien à Istanbul en 2018], le royaume saoudien s’est retrouvé au pied du mur. Etre au ban...