Irak : Mustafa Al-Kadhimi, homme de consensus, chargé de former un gouvernement
L’Irak s’est-il trouvé un premier ministre en la personne de Mustafa Al-Kadhimi ? A 53 ans, le chef du renseignement est le troisième candidat à tenter de former un gouvernement en quatre mois, après sa désignation par le président Barham Saleh, jeudi 9 avril.
Le camp pro-iranien a obtenu le retrait d’Adnane Zorfi, qu’il voyait comme un « agent américain », mais a, en guise de compromis, concédé d’appuyer M. Al-Kadhimi, un indépendant modéré qui fait consensus parmi la classe politique. « Cela prouve que personne ne peut imposer sa volonté : ni un bloc politique ni un pouvoir étranger. Il n’était le premier choix ni de Washington ni de Téhéran. Sa désignation est le résultat d’un large accord entre partis chiites, mais aussi kurdes et sunnites », commente Mohamed Radhi, membre du parti chiite Al-Hikma.
Né à Bagdad en 1967 dans une famille chiite et diplômé en droit, Mustafa Al-Kadhimi s’était exilé en Iran puis en Grande-Bretagne pour échapper à la dictature de Saddam Hussein. Journaliste et essayiste, il est rentré en Irak après l’invasion américaine de 2003. Il a aidé à fonder le Réseau des médias irakiens et un journal en ligne, Al-Monitor, et a documenté les crimes du régime baasiste au sein de la Fondation pour la mémoire irakienne. En juin 2016, Haïder Al-Abadi, alors premier ministre, le choisit pour prendre la tête des services de renseignement en pleine guerre contre l’organisation Etat islamique (EI).
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Dans l’ombre qu’impose la fonction, cet homme pragmatique, au physique émacié, cultive ses relations avec les agences de renseignement et les diplomates étrangers, notamment les Américains et les pays membres de la coalition anti-EI. Il est leur interlocuteur pour le dossier des djihadistes étrangers. « Il a des relations étendues dans le monde arabe, en particulier en Jordanie, en Egypte, au Liban et dans le Golfe. Il a travaillé étroitement avec les Saoudiens pour restaurer les liens après 2016 et a développé une relation proche avec le prince héritier, Mohammed Ben Salman », ajoute Sajad Jiyad du centre Bayan à Bagdad, qui le décrit comme un homme « mesuré, non conflictuel, qui met l’accent sur le dialogue ».
« L’Iran respecte M. Al-Kadhimi »
Favori du président Saleh pour remplacer le premier ministre Adel Abdel Mahdi après sa démission sous la pression de la rue, fin novembre 2019, Mustafa Al-Kadhimi est rejeté par la coalition Al-Fatih, qui réunit les milices chiites pro-iraniennes. Elle avait déjà écarté sa candidature en 2018 face à M. Abdel Mahdi. Alors que les tensions s’accroissent entre Washington et Téhéran, elle lui reproche d’être trop proche des Américains. La milice des Brigades du Hezbollah l’accuse même – sans fournir de preuves – d’avoir aidé les forces américaines à assassiner, par une frappe de drone, le 3 janvier, à Bagdad, le général iranien Ghassem Soleimani et son lieutenant en Irak, Abou Mahdi Al-Mohandes.