Israël et les risques d’une loi identitaire

25 - Juillet - 2018

Editorial. En définissant l’Etat comme « foyer national du peuple juif » et en dégradant le statut de la langue arabe, la Loi nationale adoptée par la Knesset le 19 juillet renforce une vision ethnicisante de la société.

Editorial du « Monde ». La promesse originelle du projet sioniste, à l’aube d’Israël, était égalitaire. La Déclaration d’indépendance de 1948, texte de référence après les Lois fondamentales, dit que l’Etat « développera le pays au bénéfice de tous ses habitants » et « sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix ». En outre, « il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ».
Cette distinction entre citoyens se trouve pourtant au cœur de la Loi fondamentale adoptée par la Knesset le 19 juillet, qui définit l’Etat comme « foyer national du peuple juif ». Israël, Etat juif : une évidence historique depuis soixante-dix ans. Mais le message véhiculé par cette loi, voulue par Benyamin Nétanyahou, est excluant, même si sa traduction future demeure obscure. Il s’adresse à la minorité arabe (20 % de la population), pour lui signifier que ses membres seront à jamais des citoyens de seconde catégorie. Il porte atteinte à cette formule qu’aiment citer les responsables de l’Etat hébreu, comme un slogan dont on ne se lasse jamais sans tout à fait saisir les devoirs qu’il impose : « Israël, la seule démocratie au Moyen-Orient. »

Cette loi se veut un marqueur identitaire. Elle rappelle des choses acquises, comme les attributs de souveraineté : l’hymne, le drapeau, les fêtes nationales. Mais elle dégrade aussi le statut de la langue arabe, considérée jusqu’à présent comme langue d’Etat au même titre que l’hébreu. On lui promet un vague « statut spécial ». Cette seule humiliation symbolique est une gifle donnée aux Arabes israéliens.

Ennemis de l’intérieur
De même, la loi stipule que l’Etat devra promouvoir « le développement des communautés juives », considérées comme « valeur nationale ». Dans sa version initiale, le texte permettait à une communauté homogène – comprendre juive – de ne pas accepter en son sein une personne extérieure. Malgré la modification de la formulation, l’article donne une valeur constitutionnelle à l’établissement de municipalités peuplées de Juifs. Une forme de séparation urbaine de facto est ainsi validée. Pourtant, les colons juifs achetant des maisons dans des quartiers arabes de Jérusalem-Est revendiquent, eux, le droit de vivre partout.
Cette Loi fondamentale crée un cadre dont l’interprétation par les tribunaux va être un enjeu majeur dans les années à venir. Que dira la Cour suprême, gardienne de l’Etat de droit, lorsqu’elle sera saisie dans des affaires de discrimination contre la minorité arabe ou druze ? Quelle sera sa marge de manœuvre si une entreprise ne souhaite recruter que des Juifs ? Ou si des municipalités refusent catégoriquement l’achat de biens immobiliers par des personnes non juives ?
Comme d’autres droites européennes, la droite israélienne est engagée sur une pente identitaire qui nécessite de désigner des ennemis, de l’intérieur et de l’extérieur. Conduite par M. Nétanyahou, elle s’imagine en avant-poste de la civilisation occidentale, face à la menace islamiste, comme dans le traitement des migrants africains. Lors des dernières élections législatives, en mars 2015, M. Nétanyahou avait électrisé son électorat dans une vidéo. « Le règne de la droite est en danger, disait-il. Les électeurs arabes vont aux bureaux de vote en grand nombre. Les ONG de gauche les amènent en bus. » La Loi fondamentale est le prolongement de cette vision ethnicisante de la société.

Autres actualités

21 - Mai - 2019

La République démocratique du Congo a enfin un premier ministre

Quatre mois après son arrivée au pouvoir, le président Félix Tshisekedi a nommé, lundi 20 mai, son premier ministre à la suite d’âpres...

20 - Mai - 2019

Le Rassemblement national tente de balayer les soupçons d’ingérence russe

Une affaire autrichienne à régler en Autriche, et qui n’a surtout rien à voir avec la France. Ni avec le Rassemblement national. Encore moins avec Marine Le Pen. Samedi...

20 - Mai - 2019

Investiture de Volodymyr Zelensky en Ukraine : « Il est sincère dans sa volonté de faire bouger les choses »

Le nouveau chef de l’Etat ukrainien, l’acteur et humoriste Volodymyr Zelensky, doit être investi dans ses fonctions présidentielles le 20 mai après avoir largement...

18 - Mai - 2019

Législatives en Australie : victoire inattendue des conservateurs au pouvoir

Le chef de l’opposition travailliste, Bill Shorten, donné favori aux élections législatives en Australie, a reconnu, samedi 18 mai, sa défaite et annoncé...

18 - Mai - 2019

Piégé sur ses liens avec la Russie, le vice-chancelier autrichien d’extrême droite, Heinz-Christian Strache, démissionne

Séisme pour l’extrême droite autrichienne à huit jours des élections européennes : le chef du parti autrichien de la Liberté (FPÖ),...