L’homme qui défie Kaboul

04 - Mai - 2018

Atta Mohammad Noor, un ancien chef de guerre du nord de l’Afghanistan, n’a cessé, ces derniers mois, de défier Kaboul. Un conflit révélateur de l’effondrement du pouvoir central.

L’ex-gouverneur Atta Mohammad Noor, dans son bureau, à Mazar-e-Charif, en Afghanistan, le 18 mars. Aslon Arfa pour "Le Monde"

Fait-on un président d’un tel bois ? Atta Mohammad Noor a le port indolent d’un seigneur assuré de son pouvoir. On le dit vain. Il est riche avant tout. Son corps long et sec flotte dans d’amples costumes italiens. Un grenat presque noir, serti de diamants, accroche la lumière à sa main droite, impeccablement manucurée. Voilà treize ans que le gouverneur Noor règne sur Mazar-e-Charif, la grande ville commerçante du nord de l’Afghanistan : l’exercice du pouvoir a poli ce chef de guerre qui a combattu, au sortir de l’adolescence, l’occupation soviétique (1979-1989) et libéré sa ville des talibans avec les forces spéciales américaines en 2001 – il est arrivé, à l’époque, qu’un conseiller militaire occidental l’aide à faire son nœud de cravate, qu’il ne savait pas encore nouer lui-même. A 53 ans, Atta Noor vise aujourd’hui la capitale, Kaboul, et le palais présidentiel : il souhaite se porter candidat à l’élection prévue en 2019.
A 53 ans, Atta Noor vise la capitale et le palais présidentiel : il souhaite se porter candidat à l’élection prévue en 2019
Ustad (« Maître ») Atta, ainsi que ses partisans le nomment, peut déjà se prévaloir d’un premier succès : il a contribué à affaiblir jusqu’au ridicule le président actuel, Ashraf Ghani, et son chef de l’exécutif, Abdullah Abdullah. Depuis des mois, M. Noor les défie. C’est un régal pour talk-shows ; une thérapie de groupe pour ce pays qui désespère de son gouvernement central. Appauvri depuis quatre ans par le retrait des forces de l’OTAN, passées de 100 000 hommes à environ 14 000 aujourd’hui, Kaboul s’affaisse. Les talibans contrôlent ou exercent leur influence sur un tiers de la population, leurs attentats frappent durement la capitale. Les institutions n’ont jamais été aussi faibles. Alors, la périphérie s’émancipe, les vieux chefs de guerre reprennent du poil de la bête, et Atta Noor, le gouverneur indocile, s’invite dans ces...

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