La Belgique veut réduire l’influence de l’Arabie saoudite sur sa communauté musulmane

23 - Novembre - 2017

Le statut de la Grande Mosquée de Bruxelles est contesté : la volonté de la diplomatie belge est de rompre une convention qui lie les deux Etats depuis 1969.
Le minaret de la Grande Mosquée de Bruxelles, le 3 octobre 2017.
La diplomatie belge a entrepris récemment une opération délicate pour tenter de « déradicaliser » le culte musulman dans le pays : une délégation s’est rendue à Riyad avec l’objectif de rompre une convention qui lie les deux Etats depuis 1969. Cet accord, conclu alors à l’initiative des deux familles royales régnantes, avait confié aux Saoudiens les clés du Pavillon oriental, un vaste bâtiment dans le quartier européen de Bruxelles, devenu le siège de la Grande Mosquée de la ville.
Ce bail, établi pour 99 ans en principe, a permis au régime saoudien d’assurer un contrôle direct sur une partie de la communauté musulmane belge, au travers de ce lieu très fréquenté et du Centre islamique et culturel (CICB), son bras administratif, lié à la Ligue islamique mondiale qui le finance en grande partie. Entre 1978 et 1998 (date de la création d’un Exécutif des musulmans), le CICB a été le seul interlocuteur des autorités publiques. Sous son égide, un réseau de librairies, de centres d’enseignement et de lieux de formation diffusant un message radical, auprès de jeunes notamment, s’est progressivement implanté. Le CICB pouvait aussi sélectionner les professeurs de religion, pour un culte enseigné dans les écoles depuis sa reconnaissance officielle en 1974.

Le développement du terrorisme islamiste pousse désormais le monde politique belge à réagir face aux ingérences étrangères. Après avoir délégué la gestion du culte musulman à l’Arabie saoudite – et en partie aussi à la Turquie et au Maroc –, les autorités publiques veulent en reprendre le contrôle. Une commission parlementaire, constituée après les attentats de Paris en novembre 2015 et de Bruxelles en mars 2016, a formulé une série de recommandations, dont celle d’endiguer le « salafo-wahhabisme » diffusé, selon les députés, à partir de la Grande Mosquée. Les conclusions du rapport évoquent « un danger pour l’Etat de droit », alimenté par un courant qui contient des « ferments » et des « catalyseurs » du repli communautaire et de la polarisation de la société. Assurer « la transparence »
Auditionnés par les députés, deux responsables de la Grande Mosquée ont livré un témoignage très ambigu sur le respect, par leur organisation, des principes de la Constitution belge et de la Convention européenne des droits de l’homme. Ils ont aussi promis de chercher à obtenir une reconnaissance officielle, ce qui entraînerait un financement de leurs imams par l’Etat en échange d’un accroissement du contrôle exercé par les autorités. Jusqu’ici, aucune demande n’a cependant été introduite.
De quoi renforcer la conviction des députés, même s’ils n’ont produit aucune preuve directe d’incitation à la haine lors des prêches. Interrogés à l’issue d’une récente prière du vendredi, de nombreux fidèles, quant à eux, démentent l’existence de dérives salafistes, même si un imam a récemment fait l’objet d’une procédure d’expulsion.
Soumise à la pression des élus, la diplomatie belge doit, en tout cas, agir. Des médias arabes ont révélé une récente entrevue entre un responsable de l’antiterrorisme et le cheikh Mohammed Ibn Abdulkarim Al-Issa, le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale. Une autre réunion a eu lieu entre le secrétaire général du ministère belge des affaires étrangères et le ministère saoudien des affaires islamiques. Selon Arab News, celui-ci a « offert son aide » pour la formation des imams dans les mosquées et les centres islamiques.
« L’influence étrangère doit diminuer, pas augmenter », affirme Theo Francken, le secrétaire d’Etat à la migration
Un conseiller du ministère saoudien a souligné « le rôle important » du CICB dans le renforcement des relations entre les deux Etats, ainsi que les nombreux échanges économiques entre ceux-ci. L’accord de 1969 avait d’ailleurs aussi été dicté par la volonté de la Belgique d’assurer son approvisionnement pétrolier. Riyad reste, par ailleurs, un client majeur du secteur wallon de l’armement et a de grands projets d’investissement dans le port flamand d’Anvers.
Sans doute désireux d’afficher la fermeté du gouvernement dont il fait partie, Theo Francken, le secrétaire d’Etat à la migration, a tweeté vendredi 17 novembre, qu’il refuserait désormais toute « importation » d’imams. « Je ne les laisserai plus entrer, l’influence étrangère doit diminuer, pas augmenter », a indiqué cette figure de la N-VA, le parti nationaliste flamand.
Dans la foulée, le ministère des affaires étrangères a répondu très diplomatiquement qu’« il n’entrait pas dans les intentions » de la Belgique « d’approfondir la proposition » saoudienne sur l’organisation du culte musulman. Bruxelles entend, en revanche, assurer « la transparence » sur le financement de ce dernier. Et ouvrir la Grande Mosquée de la capitale à « tous les courants » de l’islam.

Autres actualités

31 - Octobre - 2018

En Pologne, les ultraconservateurs du PiS résistent aux turbulences

près un sérieux revers essuyé dans les grandes villes, dont la victoire spectaculaire dès le premier tour du candidat libéral Rafal Trzaskowski à la...

30 - Octobre - 2018

Election de Jair Bolsonaro au Brésil : félicitations sans réserve des dirigeants latino-américains

e président des Etats-Unis, Donald Trump, a donné le ton, en saluant très vite et chaleureusement l’élection de Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême...

30 - Octobre - 2018

Au Bangladesh, la répression s’intensifie à l’approche des élections

A quelques semaines des élections générales qui doivent se tenir en décembre au Bangladesh, les opposants à la première ministre, Sheikh Hasina, sont...

27 - Octobre - 2018

Midterms : Trump électrise les électeurs républicains

Donald Trump n’aime pas perdre et croit pouvoir réitérer, à l’occasion des élections de mi-mandat du 6 novembre, la surprise de 2016. Il avait alors fait...

27 - Octobre - 2018

Au-delà de l’affaire Khashoggi, la guerre au Yémen

La sauvagerie de l’assassinat de l’opposant saoudien Jamal Khashoggi le 2 octobre a suscité à raison une indignation générale. Les capitales occidentales...