La démission de trois journalistes de CNN offre une victoire symbolique à Donald Trump

28 - Juin - 2017

La démission de trois journalistes de CNN offre une victoire symbolique à Donald Trump

En pleine enquête sur l’ingérence russe dans l’élection américaine trois journalistes de CNN ont démissionné, lundi, à la suite du retrait d’un article insuffisamment étayé.


Les relations entre Donald Trump et CNN étaient déjà médiocres, elles sont en train de devenir exécrables. Le président en guerre perpétuelle contre la chaîne d’information, qu’il n’a eu de cesse de qualifier de « Clinton News Network » pendant la campagne de 2016, l’accusant de propager ce qu’il appelle des fausses informations sur son compte (« fake news ») a reçu, lundi 26 juin, une validation inattendue et involontaire de son entreprise de délégitimation de la presse de la part de… CNN, un média qu’il pilonne à longueur de tweets.
En pleine enquête sur l’ingérence russe dans l’élection américaine trois journalistes de CNN ont démissionné, lundi 26 juin, à la suite du retrait d’un article affirmant que le Congrès américain enquêtait sur les liens entre un membre de son équipe et un fond d’investissement russes.
Des inexactitudes
L’article mis en ligne jeudi sur le site de CNN assurait que la commission sur le renseignement du Sénat enquêtait sur les liens entre l’homme d’affaires Anthony Scaramucci, patron du fonds SkyBridge Capital et membre de l’équipe de transition de Donald Trump et Russian Direct Investment Fund (RDIF), un fonds souverain créé par le gouvernement russe en juin 2011 et contrôlé par la banque russe Vnesheconombank (VEB, Banque de développement de la fédération de Russie, sanctionnée par Washington et l’Union européenne depuis 2014 en raison de l’annexion de la Crimée par la Russie et du conflit en Ukraine). Selon cet article, M. Scaramucci aurait rencontré le 16 janvier, à Davos, Kirill Dmitriev, le patron de RDIF, quelques jours avant l’investiture du nouveau président.
L’article a attiré l’attention de Sputnik News (média pro-Poutine) qui a mis en évidence des erreurs factuelles dans le sujet de CNN : ainsi, RDIF n’appartient plus depuis 2016 à VEB. Le site d’extrême droite et pro-Trump Breitbart News a, de son côté, signalé qu’aucune enquête sénatoriale ne visait Anthony Scaramucci. L’entourage du secrétaire au trésor, Steve Mnuchin, a également affirmé que l’affaire était close pour son administration
Démissions et excuses
Les trois démissionnaires sont l’auteur de l’article, Thomas Frank, l’un des membres de l’équipe d’édition, Eric Lichtblau – qui a reçu le prix Pulitzer en 2006 lorsqu’il écrivait pour le New York Times – et du responsable de la cellule d’enquête dont faisaient partie les deux premiers, Lex Haris. L’article avait été mis en ligne jeudi sur le site de CNN, avant d’en être retiré vendredi.
L’article n’a jamais été repris ou mentionné à l’antenne de la chaîne d’information américaine. La chaîne a publié un texte expliquant les raisons pour lesquelles l’article avait été dépublié.
Lundi, après la démission des doits journalistes, la chaîne a présenté ses excuses à Anthony Scaramucci. « CNN a fait ce qu’il fallait », a tweeté l’homme d’affaires. « Geste de classe. Excuses acceptées. Tout le monde fait des erreurs. On avance. »
Selon le journaliste de CNN spécialiste des médias Brian Stelter, des responsables ont expliqué, lors d’une réunion lundi, que le retrait ne signifiait pas nécessairement que les informations rapportées étaient fausses, mais « que l’article n’était pas assez étayé pour être publié en l’état ».
Attaques de Trump et de ses porte-parole
Donald Trump a rapidement réagi à l’annonce des départs au sein de la chaîne. « Le faux média CNN envisage de grands changements de son encadrement, maintenant qu’ils ont été pris à publier leurs articles russes bidons », a tweeté le président des Etats-Unis mardi matin.
« Ils ont pris le faux média CNN la main dans le sac », a-t-il poursuivi, « mais qu’en est-il de NBC, CBS et ABC [trois grandes chaînes nationales] ? Qu’en est-il des ratés du New York Times et du Washington Post ? Ce sont tous de faux médias ! »
Mardi, durant le point depresse quotidien de la Maison Blanche mardi, la porte-parole Sarah Huckabee Sanders a accusé CNN d’avoir donné des informations erronées « à de nombreuses reprises », dans la lignée des propos de Donald Trump.
Elle a également renvoyé vers une vidéo publiée par le site ultra-conservateur Project Veritas, qui filme, en caméra cachée, un producteur de la chaîne, John Bonifield, qui ne s’occupe pas de politique mais de santé. « Le président a probablement raison de dire : vous me faites une chasse aux sorcières », y explique le journaliste au sujet de la Russie. « Vous n’avez rien de solide, vous n’avez pas de véritable preuve. » Se définissant comme « cynique », il affirme que CNN concentre sa couverture sur les liens supposés entre l’équipe Trump et la Russie « à cause des audiences ».

Cette affaire est un coup dur pour CNN, qui avait annoncé en début d’année la création d’une équipe d’enquête, composée de ses meilleurs journalistes d’investigation et renforcée de plusieurs recrues. La chaîne veut rivaliser avec le New York Times, le Washington Post et, dans une moindre mesure, Politico et le Wall Street Journal, qui ont tous renforcé leurs équipes d’investigation pour couvrir la nouvelle administration Trump.

CNN a annoncé en début d’année la création d’une équipe d’enquête pour concurrencer le « New York Times » ou le « Washington Post ».
« Chercher la vérité. Sortir de l’information. Obliger les puissants à rendre des comptes », telle était la ligne directrice de cette nouvelle cellule, selon une offre d’emploi postée sur le site de la maison mère de CNN, Turner.
« CNN vient de réaliser ses meilleures audiences pour un deuxième trimestre », a riposté le groupe dans un tweet. « Ce sont les faits. »
Pour autant, elle a perdu du terrain sur ses rivales, l’ultraconservatrice Fox News, leader historique, mais aussi la petite MSNBC, portée, ironie du sort, par son ton plus agressif à l’égard de l’administration Trump.

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