La justice allemande demande à la BCE de justifier son programme anticrise
La Cour constitutionnelle allemande a exigé, mardi 5 mai, que la Banque centrale européenne (BCE) justifie la conformité de ses rachats de dette publique à son mandat, dans un arrêt retentissant qui met en péril le plan de soutien européen.
La banque centrale allemande ne sera pas autorisée à participer à ce programme anticrise, qui a encore gagné en ampleur en raison de la pandémie de Covid-19, si « le conseil des gouverneurs de la BCE » ne démontre pas « dans les trois mois » qu’il n’a pas outrepassé les traités européens, a décidé la juridiction suprême allemande.
Certes, la Cour constitutionnelle explique qu’elle n’a « pas pu établir de violation » par la BCE de l’interdiction de financer directement les Etats européens. Mais, dans une décision d’une rare virulence, les magistrats de Karlsruhe jugent « douteuse » la compétence de la BCE pour racheter massivement de la dette publique. Ils réclament une analyse « compréhensible et détaillée » de sa « proportionnalité » : autrement dit, c’est à la BCE de démontrer que les bénéfices pour l’économie sont supérieurs aux inconvénients.
« Des pertes considérables pour l’épargne privée »
En particulier, les juges de Karlsruhe refusent de se plier à l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne, qui avait validé fin 2018 le programme de la BCE mais a, selon eux, « totalement ignoré » ses « conséquences économiques ».
Particulièrement controversée en Allemagne, cette injection massive de liquidités affecte « pratiquement tous les citoyens », en tant « qu’actionnaires, propriétaires, épargnants ou détenteurs de polices d’assurance », entraînant « des pertes considérables pour l’épargne privée », détaille la Cour constitutionnelle allemande.
Or, ces achats d’obligations souveraines ont représenté la majeure partie des 2 600 milliards d’euros injectés sur les marchés entre mars 2015 et décembre 2018, dans le cadre de l’« assouplissement quantitatif » (ou « QE ») réactivé en novembre dernier.