La justice américaine s’empare du scandale des dettes cachées par le Mozambique

19 - Janvier - 2019

Sa signature est sur tous les documents compromettants, et son nom est, depuis le début, synonyme du fiasco de la dette cachée mozambicaine : Manuel Chang, ministre des finances du Mozambique de 2005 à 2015, a été arrêté le 29 décembre, en Afrique du Sud, visé par un mandat d’arrêt américain. Vendredi 18 janvier, il est brièvement apparu devant un tribunal de Johannesburg, qui doit prochainement statuer sur son extradition aux Etats-Unis, où l’ex-ministre est poursuivi pour fraude et blanchiment d’argent.

Cette arrestation surprise – l’ex-ministre était à l’aéroport de Johannesburg, en transit vers Dubaï – est une première réponse d’envergure au scandale dit « des dettes cachées ». Maputo a dissimulé plus de 2 milliards de dollars d’endettement, contracté en 2013 et 2014 pour financer un coûteux programme de protection côtière. Affaire aux multiples ramifications internationales, jusqu’en France, où une partie des équipements ont été construits, le scandale a plongé le Mozambique dans une crise financière sans précédent lorsque les bailleurs de fonds ont décidé de geler leur aide lors de la découverte du pot aux roses, en avril 2016.
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Alors que l’enquête au Mozambique, lancée il y a trois ans, piétine, c’est finalement la justice américaine qui, la première, lance les hostilités. Quatre jours après l’arrestation de l’ex-ministre, trois anciens banquiers du Crédit Suisse, Andrew Pearse, Surjan Singh et Detelina Subeva, qui auraient arrangé les trois emprunts problématiques, ont été interpellés à Londres. Au même moment, Jean Boustani, négociant en chef du groupe de construction navale Privinvest, était arrêté aux Etats-Unis. Les cinq coprévenus sont tenus de comparaître le 22 janvier, à New York, pour une première audition.

D’après l’acte d’accusation diffusé par le ministère de la justice américain, ils sont poursuivis pour avoir « conspiré pour escroquer les investisseurs par de nombreuses falsifications et des omissions portant notamment sur l’utilisation de l’argent emprunté, sur le versement de pots-de-vin et de rétrocommissions à des responsables mozambicains et aux banquiers, et sur la capacité du Mozambique et son intention à rembourser ses investisseurs ». Sur le document, trois noms ont été noircis – deux Mozambicains et un salarié de Privinvest – ce qui laisse présager de nouvelles arrestations.
« Follow the money »

En 2017, sous la pression du Fonds monétaire international (FMI) et des bailleurs de fonds, le gouvernement de Maputo avait commandé un audit indépendant au cabinet américain Kroll. Le rapport final concluait qu’un quart des sommes levées, soit 500 millions de dollars (438 millions d’euros), était introuvable et que les équipements fournis (bateaux de pêche et de surveillance, chantiers navals, radars) avaient été surfacturés pour un montant d’environ 700 millions de dollars. Estimant que la coopération du Mozambique n’a pas été totale, le FMI attend toujours des éclaircissements de la part des autorités pour reprendre un programme d’aide financière. Le pays, l’un des dix plus pauvres au monde, et en défaut sur ces dettes depuis 2017, en a cruellement besoin.

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