Lars Tragardh : « La Suède lutte contre la pandémie due au coronavirus à travers la “liberté sous responsabilité” »

10 - Avril - 2020

L’historien suédois Lars Tragardh a vécu une quarantaine d’années aux Etats-Unis, où il a enseigné à l’université Columbia, avant de revenir dans son pays en 2010. Spécialiste des relations entre l’Etat et la société civile, il s’intéresse à la notion de confiance. En 2006 il a publié, avec l’historien Henrik Berggren, un ouvrage très remarqué, « Le Suédois est-il humain ? Communauté et indépendance dans la Suède moderne » (Norstedts, non traduit en français), où les auteurs présentaient les spécificités du contrat social suédois, basé sur l’individualisme et la relation forte à l’Etat. Un modèle que M. Tragardh utilise aujourd’hui pour expliquer pourquoi la Suède limite les mesures obligatoires face au coronavirus, quand d’autres pays les généralisent.

Que révèle la crise due au Covid-19 au sujet de nos sociétés ?

Cette crise fonctionne à la manière d’un test de résistance ; nos sociétés sont mises sous tension. Ce qui est frappant, c’est que les Français réagissent comme des Français, et les Suédois comme des Suédois… En temps normal, quand tout va bien, nous sommes tous beaucoup plus européens : nous voyageons, regardons les mêmes films et écoutons les mêmes chansons. Nous avons le sentiment d’être des citoyens du monde. Et puis se produit une crise de cette ampleur, et nos spécificités nationales apparaissent au grand jour et influencent nos décisions. Nous réagissons alors en fonction de ce qui nous semble « naturel ».
La Suède s’est singularisée en refusant le confinement. Comment expliquer ce choix ?

Il faut d’abord préciser une chose : vue de l’étranger, la Suède donne l’impression de ne rien faire et de réagir avec désinvolture, voire avec frivolité face à la pandémie. Or ce n’est pas le cas. Il y a un sentiment de gravité, et les Suédois ont reçu les mêmes recommandations qu’ailleurs : rester à la maison au moindre symptôme, éviter les interactions sociales, protéger les personnes à risque… La différence se situe dans la méthode appliquée : au lieu d’avoir recours à la contrainte, les autorités font appel à la responsabilité individuelle et au civisme.

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