Le système Poutine face à la jeunesse russe

28 - Mars - 2017

Le système Poutine face à la jeunesse russe

En principe, Vladimir Poutine n’a rien à craindre de ses opposants. Le président russe jouit d’un taux de popularité de l’ordre de 80 %. Même en admettant que ce chiffre soit sans doute quelque peu artificiel, il est plus que probable qu’une majorité de Russes rééliront M. Poutine dans un an, sans que rien les y contraigne. Pourquoi, alors, les manifestations réussies de l’opposition, dimanche 26 mars, semblent-elles si fortement inquiéter le pouvoir ?
Le système est plus que verrouillé. Les télévisions, l’essentiel de la presse écrite sont aux ordres du Kremlin, de même que la police et la justice. Les opposants sont harcelés, jetés en prison, sous des prétextes fabriqués dans le plus pur style soviétique, traqués par le fisc, voire assassinés. Le président a créé une garde nationale de 400 000 hommes : la rue est contrôlée. Une nouvelle génération d’oligarques, ceux-là soumis à M. Poutine, se partagent fonctions publiques et direction des grands secteurs de l’économie.
Enfin, dans un pays où la fierté nationale compte au moins autant sinon beaucoup plus que l’évolution du produit intérieur brut, M. Poutine peut se targuer d’un bilan. Il a mis un terme au chaos postsoviétique, doté la Russie d’une armée modernisée et manifesté par la force sa volonté de revenir au premier rang des pays qui comptent sur la scène internationale. Dans une confrontation idéologique créée de toutes pièces, ou presque, avec l’Occident, il est l’homme de la puissance extérieure retrouvée. Une majorité de Russes lui en sait gré.
Le style de vie de la Nomenklatura choque
Mais voilà, le régime a été surpris par l’ampleur des manifestations de dimanche. A l’appel d’Alexeï Navalny, le chef de l’opposition, des dizaines de milliers de Russes sont descendus dans la rue, dans quelque 80 villes du pays. Convoquées pour dénoncer la corruption au plus haut niveau du pouvoir, les manifestations étaient interdites. Comme si ce thème faisait peur. Elles ont réuni un nombre impressionnant de jeunes gens de 16 à 25 ans. Comme si une nouvelle génération de Russes, qui ne regarde pas une télévision dédiée à la gloire de M. Poutine, s’émancipait de la propagande officielle.
M. Navalny a été emprisonné pour quinze jours, les locaux de sa Fondation anti-corruption mis à sac par la police, et quelques centaines de jeunes ont été arrêtés. Le style de vie de la Nomenklatura choque d’autant plus que l’économie repart péniblement après deux années de récession – due à la baisse des hydrocarbures plus qu’aux sanctions occidentales prises après l’annexion de la Crimée.
Plus de la moitié des revenus de l’Etat dépendent des prix du gaz et du pétrole. Lorsqu’ils chutent, les indicateurs sociaux baissent – santé, espérance de vie, etc. En proportion de l’immensité de ses richesses naturelles, la Russie attire peu d’investissements étrangers – pays trop risqué, faute d’Etat de droit du fait du « système Poutine ».
Telle quelle, la Russie reste un partenaire incontournable des Occidentaux, qu’il s’agisse de la sécurité en Europe ou au Moyen-Orient, notamment. On doit entretenir un dialogue stratégique constant avec elle, et il faut comprendre ses intérêts de puissance. Mais on doit le faire sans se confondre en minauderies soumises, serviles et indignes, à la façon d’une Marine Le Pen la semaine dernière à Moscou – laquelle semble préférer le mode de gouvernement moscovite à celui des démocraties européennes. La realpolitik commande aussi de ne pas se tromper sur la nature de son interlocuteur.

Autres actualités

04 - Septembre - 2018

« La Chine s’appuie sur l’Afrique pour construire une muraille face aux pays occidentaux »

Notre chroniqueur explique en quoi les 60 milliards de dollars promis par Pékin au continent sont stratégiques pour le géant asiatique. Par Sébastien Le Belzic...

04 - Septembre - 2018

Idlib : la Russie prépare son opinion à une nouvelle bataille

Pour le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, « le statu quo ne peut pas durer indéfiniment ».   Les déclarations...

03 - Septembre - 2018

En Algérie, l’épidémie de choléra révèle la défiance envers le pouvoir

La communication brouillonne et le manque de réactivité provoquent l’amertume d’une population qui n’avait pas connu une telle épidémie en 22 ans....

03 - Septembre - 2018

En Allemagne, l’émergence d’une gauche antimigrants

Le projet divise les observateurs de la scène politique allemande. Les uns veulent croire à une initiative sans lendemain, avant tout motivée par le désir...

01 - Septembre - 2018

L’extrême droite s’apprête à défiler à nouveau dans les rues de Chemnitz

Une troisième journée de manifestations de l’extrême droite est attendue cette après-midi dans cette ville de Saxe, où la tension est très forte,...