Législatives au Royaume-Uni : Theresa May perd sa majorité absolue

09 - Juin - 2017

Législatives au Royaume-Uni : Theresa May perd sa majorité absolue

La première ministre comptait sur une large victoire aux élections afin d’avoir un mandat clair des Britanniques pour négocier le Brexit.


Le Parti conservateur emporte les élections législatives anticipées organisées jeudi 8 juin au Royaume-Uni mais perd sa majorité absolue. Les tories ont perdu une quinzaine de sièges – ils en avaient 330 dans l’assemblée sortante –, tandis que l’opposition travailliste en a gagné une petite trentaine, d’après les résultats officiels.
La première ministre conservatrice, Theresa May, qui disposait d’une majorité absolue de quatre sièges dans le Parlement sortant et souhaitait un « mandat clair » pour négocier le Brexit, la perdrait ainsi, à quelques jours de l’ouverture de négociations cruciales avec l’Union européenne. Dans un discours prononcé vers 4 h 30 du matin elle a déclaré que « le pays a[vait] besoin d’une période de stabilité » et a ajouté que si son parti obtenait la majorité, il serait chargé d’assurer cette stabilité, rejetant ainsi une hypothèse de démission.
A 9 heures, les travaillistes de Jeremy Corbyn gagnaient 31 sièges à 261 mandats. Le signe d’une campagne réussie pour le chef de parti. « Quel que soit le résultat final, notre campagne positive a changé la politique pour le meilleur », a-t-il tweeté, appelant ensuite à la démission de Theresa May.
Les libéraux démocrates, ouvertement europhiles, gagnaient,eux, trois sièges à 12 mandats, mais sans parvenir à fédérer le camp des 48 % de Britanniques qui avaient voté contre le Brexit.
Le taux de participation s’élève à 68,72 %. C’est le plus élevé pour des élections législatives depuis 1997.
Le scénario d’un Parlement minoritaire
Les conservateurs auront le choix de former soit un gouvernement minoritaire soit une coalition avec un ou plusieurs autres partis. Si la première option est choisie, ils seraient seuls au pouvoir mais s’assureraient du soutien ponctuel d’autres partis pour faire voter leurs projets au Parlement.
Un tel gouvernement minoritaire serait cependant terriblement fragilisé. Le dernier précédent au Royaume-Uni date de 1974 lorsque les conservateurs avaient, déjà, convoqué des élections anticipées pour mieux les perdre face au Labour. Le gouvernement minoritaire du premier ministre travailliste Harold Wilson n’avait tenu que quelques mois, avant la tenue de nouvelles élections.
Dans les deux cas, les négociations pourraient durer plusieurs semaines, ce qui porterait un coup dur au calendrier du Brexit. Pour la première ministre, c’est un terrible désaveu, elle qui a convoqué ce scrutin anticipé dans le seul but de renforcer sa majorité existante de quatre sièges.
Le nouveau Parlement siégera une première fois le 13 juin, avant la cérémonie d’ouverture solennelle le 19 juin, au cours de laquelle la reine Elizabeth II lira, comme le veut la tradition, le programme législatif de la nouvelle majorité, à l’occasion du discours du trône.
La campagne critiquée
« Il semble déjà clair que Theresa May a raté son pari. Il est même trop tôt pour dire si elle va rester première ministre », a commenté Paula Surridge, de l’université de Bristol. Elle « pourrait rapidement se trouver sous pression de démissionner en tant que leader du Parti conservateur », a-t-elle ajouté.
« C’est un désastre pour Theresa May. Son leadership est remis en question et elle sera sous pression pour démissionner si les résultats se confirment », a renchéri Iain Begg, professeur à la London School of Economics. « Il semble qu’il va y avoir de l’instabilité et qu’il sera plus difficile pour le gouvernement britannique de négocier le Brexit avec une position ferme », relève Tony Travers, de la même école.
L’indépendance écossaise remise en cause
A gauche, les nationalistes écossais du Scottish National Party (SNP) essuient également des pertes à 35 sièges – contre 56 précédemment. Le SNP reste toutefois de loin la première formation d’Ecosse.
L’ex-leader du SNP, Alex Salmond, a été battu, symbolisant les défaites enregistrées par son parti. Le numéro deux du parti, Angus Robertson, n’a pas été élu non plus.
« C’est assez catastrophique, c’est une très mauvaise nouvelle pour Nicola Sturgeon [la première ministre écossaise] et sa revendication d’un deuxième référendum » sur l’indépendance de l’Ecosse, selon Iain Begg.
La dirigeante conservatrice avait convoqué le scrutin en avril, contrairement à ses engagements de ne pas écourter la législature, en espérant surfer sur des sondages créditant son parti d’une avance de 20 points sur le Labour.
La livre chute
La monnaie britannique est sous pression, en réaction à la perte par les conservateurs britanniques de la majorité absolue au Parlement. La livre sterling cotait 1,2707 dollar vers 7 h 30 GMT (9 h 30, heure de Paris), contre 1,2950 dollar la veille à 21 heures GMT, soit une baisse de près de 2 %. L’euro valait pour sa part 88,12 pence – après avoir atteint 88,59 pence vers 6 h 50 GMT, son niveau le plus fort en sept mois.
Du côté boursier, les places financières européennes ont ouvert à l’inverse dans le vert. La Bourse de Londres gagnait 0,42 % vendredi en début de séance. De nombreuses multinationales qui y sont cotées étaient en effet soutenues par la baisse de la livre qui dope la valeur de leurs revenus tirés de l’étranger, lorsqu’elles en convertissent le montant en monnaie britannique.
Les marchés asiatiques sont également restés sereins face aux résultats des élections britanniques. La Bourse de Tokyo terminait même en hausse vendredi (+ 0,52 %). Ailleurs en Asie-Pacifique, Séoul et Sydney évoluaient dans le vert, tandis que Hongkong s’inscrivait en petit repli. Aux Etats-Unis, Wall Street a terminé en très légère hausse.

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