Législatives en Algérie : « Les islamistes ? Eux, ils ne volent pas ! »

03 - Mai - 2017

Législatives en Algérie : « Les islamistes ? Eux, ils ne volent pas ! »

Le MSP, principal parti islamiste, a fusionné avec le Front du changement pour tenter d’obtenir davantage que ses 47 sièges de la précédente législature.

Ils se sont donné rendez-vous dans un café du quartier Meissonier, dans le centre d’Alger. Trois affiches d’un leader islamiste ont été collées sur la façade. Les militants arrivent les uns après les autres, en retard. « Il y a beaucoup d’embouteillages dans ce quartier », soupire Ali Kouider, 49 ans. Depuis le 9 avril, il organise plusieurs déplacements par jour, le temps de la campagne électorale algérienne pour les législatives du 4 mai, qui renouvelleront l’Assemblée aujourd’hui dominée par le Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique) et son allié du Rassemblement national démocratique (RND).
Pour cette élection, le Mouvement pour la société et la paix (MSP), parti islamiste dirigé par Abderrazak Makri, a fusionné avec le Front du changement, autre formation islamiste emmenée par Abdelmadjid Menasra. Le MSP avait obtenu 47 sièges de députés en 2012, dans le cadre de l’Alliance de l’Algérie verte – un groupe de partis islamistes – et espère faire mieux cette fois, avec un rassemblement différent. Comme les autres partis islamistes – qui totalisent 60 sièges à l’Assemblée –, ils espèrent tirer leur épingle du jeu dans un scrutin plombé par la situation économique et sociale, les absences répétées du président Bouteflika et le désintérêt des électeurs.
« S’accrocher jusqu’au jour où… »
Costume noir, petite moustache, Ahmed Bourmad est deuxième sur la liste du parti à Alger. Il milite au sein du MSP depuis la création de ce parti, au début des années 1990, qu’il a du mal à qualifier d’« islamiste » : « Ce que nous voulons, c’est moraliser l’acte politique, mettre l’intérêt général en premier. Mais nous ne sommes pas des imams. »
Abdelmadjid Menasra entre enfin dans le café, suivi par plusieurs personnes qui le filment, téléphone à la main. « Tout est retransmis en direct sur la page Facebook du parti », explique un militant. Le top départ est donné pour une journée de tractage. Le bar se vide sous le regard un peu étonné de trois hommes âgés qui, assis au fond de la salle, ont assisté à toute la scène. « Ils disent être d’une tendance politique religieuse. Mais est-ce qu’il ne faudrait pas dissocier le politique et la religion ? », interroge Moussa, un retraité de 65 ans. « Ils sont tous corrompus », ajoute Smaïn, 66 ans.
Dans la rue commerçante, les candidats saluent les potentiels électeurs, et les militants distribuent de petits calendriers à l’effigie d’Abdelmadjid Menasra, comportant les horaires des prières. Beaucoup de passants refusent d’un signe de tête. Un jeune militant, tee-shirt vert et casquette affublée d’un « 26 », le numéro de la liste du MSP, est interpellé par un vieil homme : « Vous avez vu ces panneaux électoraux ? En fer forgé, avec de la peinture dorée ! Y en a partout ! Et on nous dit que l’Etat n’a plus d’argent ! » Le jeune homme rétorque, en désignant les candidats du menton : « Eux, ils ne volent pas. »
La visite se fait au pas de charge. On s’arrête pour prendre une photo avec un homme en fauteuil roulant, échanger deux mots avec un vendeur à la sauvette, mais on discute peu. « Il y a de plus en plus de désintérêt. La priorité pour les gens, c’est le chômage, les problèmes sociaux. Ils considèrent surtout que la politique, c’est de la magouille », constate Ali Kouider. Face à un homme qui lui affirme que les leaders politiques ne sont jamais sur le terrain hormis pendant la campagne, le candidat Ahmed Bourmad sourit : « On sait que c’est difficile. On prône un militantisme de longue haleine. Beaucoup trop de gens sont assis devant leur télévision sans rien faire. Il faut s’accrocher, jusqu’au jour où le pouvoir acceptera de travailler avec nous. »
Voter pour ses voisines
Perchée au sommet d’un long escalier abrupt, la cité Mahieddine est la deuxième étape de la journée. Des barres d’immeubles rectangulaires, couleur ocre, entourent une immense mosquée à dôme vert. En ce début d’après-midi, peu de monde dans la rue : de grandes poubelles à roulettes, autour desquelles s’entassent des ordures, et des rideaux de métal baissés. Seules deux petites épiceries sont ouvertes. Entre les deux, le local MSP du quartier est fermé.
Sur le mur, trois affiches avec les visages des candidats de la liste. Mohamed, survêtement bleu foncé et polo rayé, affirme qu’il ira voter. Il pointe du doigt deux visages féminins sur une affiche : « Ces femmes-là, ce sont mes voisines. Des femmes bien. On avait voté FLN, mais l’élu n’a pas aidé les gens. »
L’une des deux femmes qu’il désigne est Louisa Malek, 47 ans, troisième sur la liste du MSP. Elle a vécu ici pendant trente ans, avant de se marier et de déménager en périphérie de la capitale. Foulard rose pâle noué sous le menton, longue veste parme, elle fait une pause dans un autre local de campagne à proximité. Présidente d’une association de femmes, investie dans la mosquée de son quartier, elle est issue « du terrain » et sait que cela compte : « La question de l’honnêteté est primordiale pour les électeurs, assure-t-elle. Ils sont plus sensibles à la personne qu’au programme. Ils font confiance aux gens qu’ils connaissent. »
Après une pause déjeuner rapide, la candidate repart en voiture avec trois autres femmes. Sur la façade de l’immeuble, un poster géant du MSP est déroulé sur plusieurs étages. Mais la banderole la plus visible est au-dessus : « Les jeunes de Belouizdad » – blanc et rouge, les couleurs de l’équipe de football du quartier, le CRB (Chabab Riadhi Belouizdad), qui jouait ce jour-là contre l’autre équipe d’Alger, l’USMA.

Autres actualités

31 - Octobre - 2018

En Pologne, les ultraconservateurs du PiS résistent aux turbulences

près un sérieux revers essuyé dans les grandes villes, dont la victoire spectaculaire dès le premier tour du candidat libéral Rafal Trzaskowski à la...

30 - Octobre - 2018

Election de Jair Bolsonaro au Brésil : félicitations sans réserve des dirigeants latino-américains

e président des Etats-Unis, Donald Trump, a donné le ton, en saluant très vite et chaleureusement l’élection de Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême...

30 - Octobre - 2018

Au Bangladesh, la répression s’intensifie à l’approche des élections

A quelques semaines des élections générales qui doivent se tenir en décembre au Bangladesh, les opposants à la première ministre, Sheikh Hasina, sont...

27 - Octobre - 2018

Midterms : Trump électrise les électeurs républicains

Donald Trump n’aime pas perdre et croit pouvoir réitérer, à l’occasion des élections de mi-mandat du 6 novembre, la surprise de 2016. Il avait alors fait...

27 - Octobre - 2018

Au-delà de l’affaire Khashoggi, la guerre au Yémen

La sauvagerie de l’assassinat de l’opposant saoudien Jamal Khashoggi le 2 octobre a suscité à raison une indignation générale. Les capitales occidentales...