Les armes cachées du vieux porte-avions «  Amiral-Kouznetsov »

18 - Janvier - 2017

L’unique porte-avions russe, Amiral-Kouznetsov, indissociable de sa fumée noire visible depuis l’espace, devait repasser, dans la nuit du mardi 17 au mercredi 18 janvier le détroit de Gibraltar, en direction de son port base de la Flotte du Nord, à Severomorsk.
Commencée début novembre, sa mission au large de la Syrie a été présentée comme « une expédition historique » par le média russe Sputnik. Elle n’a pourtant pas été décisive dans la crise syrienne, et elle fut marquée par deux accidents majeurs, la perte d’un Mig-29 et d’un Sukhoï Su-33 – une panne moteur pour l’un, une rupture du brin d’arrêt sur le pont du navire pour l’autre. Le bateau effectuait en Méditerranée orientale « son dernier déploiement avant une refonte qui devrait l’immobiliser de nombreuses années », car il doit notamment être remotorisé, explique l’expert Bernard Prézelin. Nul ne sait quand l’Amiral-Kouznetsov ressortira du chantier mais, une fois rénové, la Russie devrait le faire naviguer jusqu’en 2040.

Cependant, les armées occidentales ont évalué ce déploiement bien au-delà des plaques de rouille du vieux porte-aéronefs. L’Amiral-Kouznetsov, dont la vocation est plutôt celle d’un puissant navire de défense aérienne, a permis une démonstration politique de puissance, à l’instar des porte-avions américains ou français.
Moscou a d’abord convoyé une armada depuis Mourmansk dans un environnement peu amical – sur le chemin, seule l’Algérie a accepté de ravitailler le groupe russe. Ensuite, « il est évident qu’un tel navire ne peut pas prendre la mer en solo. Dans le schéma classique, le groupe d’accompagnement doit inclure un croiseur pour assurer sa résistance opérationnelle, au moins trois ou quatre frégates, un sous-marin et un navire logistique », rappelle Sputnik.
La présence d’un tel groupe aéronaval a obligé les marines de l’OTAN croisant elles aussi en Méditerranée orientale à des accords techniques de partage des eaux et des airs. Cette « déconfliction » fut essentielle avec le porte-avions français Charles-de-Gaulle présent à la même période dans la région. « Avec les Russes, les règles de déconfliction sont respectées », affirme l’état-major de la marine française.
Escale à Tobrouk
Or, Moscou a introduit non pas un, mais deux sous-marins nucléaires en Méditerranée dans le sillage du navire amiral. Selon les informations du Monde, ce furent deux Oscar-II, parmi les plus gros sous-marins du monde. Et leur présence a été repérée par les Occidentaux. Les bâtiments de ce type, dont relevait le Koursk, coulé en 2000, sont des « tueurs de porte-avions » de la guerre froide, mais plusieurs exemplaires ont été modernisés très récemment. Les Oscar-II peuvent lancer des missiles de croisière.
De quoi, aussi, mettre en alerte les Européens sur le trajet du retour. Contrairement à l’aller, le groupe russe ne devrait pas longer le continent par la Manche, mais passer au large de l’Ecosse, où stationne la force océanique de dissuasion nucléaire britannique. Sir Philip Jones, le chef de la Royal Navy, a déclaré le 15 janvier : « Dans le nord de l’Europe et dans la Baltique, nous affrontons le plus haut niveau d’activité navale russe depuis la fin de la guerre froide. » En écho, l’amiral Christophe Prazuck, son homologue français, a récemment indiqué à la presse que « les sous-marins russes sont extrêmement performants », en admettant que « oui, il y a des sous-marins russes dans le golfe de Gascogne ». Mais en précisant : « Les capacités de lutte anti-sous-marine françaises sont exceptionnelles. »
Une frégate et un destroyer britanniques escorteront l’Amiral-Kouznetsov, ainsi que des moyens navals français. Les armées de l’air sont en alerte, pour des missions de surveillance de l’activité électromagnétique du groupe aéronaval.
Outre la pression exercée sur les armées de l’OTAN, l’Amiral-Kouznetsov a eu un autre rôle. Il a marqué l’entrée en lice de la Russie sur le théâtre de la guerre en Libye. Avant de franchir Gibraltar, le navire a en effet mouillé devant Tobrouk. Il a reçu à son bord, le 11 janvier, le maréchal Khalifa Haftar, qui dirige l’Est libyen sans reconnaître l’autorité de Tripoli soutenue par les Nations unies. Moscou a mis en scène, pour l’occasion, une visioconférence entre l’homme le plus puissant de Libye et le ministre de la défense russe.

 

Autres actualités

15 - Septembre - 2018

Affaibli et isolé, Mahmoud Abbas bloque tout accord sur Gaza qui le contournerait

L’espoir est épuisant quand il ne cesse d’être déçu. A tous leurs maux, les Gazaouis doivent ajouter cette souffrance : croire en vain que...

15 - Septembre - 2018

En Irak, le Parlement élit son nouveau président et amorce une sortie de crise

Le Parlement irakien a élu à sa présidence, samedi 15 septembre, le candidat soutenu par la liste pro-Iran. Alors que le pays est paralysé depuis les élections...

14 - Septembre - 2018

Au nord de Londres, les militants du Labour effarés et meurtris par les accusations d’antisémitisme

uisa Attfield n’a pas 20 ans mais vit déjà un douloureux dilemme. Perchée sur un tabouret haut du pub The Bohemia, au cœur de North Finchley (nord-ouest de...

14 - Septembre - 2018

Signe d’un nouveau rapprochement, les deux Corées ouvrent une « ambassade » commune

Alors que les échanges entre les Etats-Unis et la Corée du Nord semblent dans l’impasse depuis le sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un le 12 juin à Singapour, les...

13 - Septembre - 2018

Le premier ministre hongrois Viktor Orban lâché par ses alliés européens

Mieux vaut tard que jamais. En votant, mercredi 12 septembre, par 448 voix contre 197, en faveur du déclenchement d’une procédure contre la Hongrie pour atteintes à...