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Les chefs du renseignement états-unien contredisent Trump sur la Corée du Nord ou l’Iran

30 - Janvier - 2019

En dressant leur tableau annuel des grandes menaces mondiales, les responsables du renseignement national des Etats-Unis prennent le contre-pied de Donald Trump sur des dossiers majeurs de sa politique étrangère.
Auditionnés mardi 29 janvier par le Sénat, les chefs des grandes agences du renseignement ont apporté de l’eau au moulin des détracteurs du président. La diplomatie souvent impulsive du milliardaire républicain a déjà ébranlé de nombreux alliés des Etats-Unis depuis son arrivée à la Maison Blanche il y a deux ans. « Les politiques commerciales américaines et “l’unilatéralisme” – thèmes centraux de l’approche “America First” de M. Trump – ont mis à rude épreuve les alliances traditionnelles et incité les partenaires étrangers à rechercher de nouvelles relations », résume le New York Times.
Fusion des menaces traditionnelles
Comme au temps de la guerre froide, « la Chine et la Russie travaillent ensemble pour contester le leadership états-unien dans le monde, ébranler les gouvernements démocratiques et acquérir une supériorité militaire et technologique sur les Etats-Unis », écrivent les responsables du renseignement dans un rapport transmis au Congrès.

« Notre plus grande inquiétude, ce sont ces menaces qui fusionneraient, parce que nos adversaires uniraient leurs forces », expliquait la semaine dernière le directeur du renseignement, Dan Coats, en présentant ce rapport. La Chine, notamment, a rattrapé son retard technologique sur les Etats-Unis grâce à « sa capacité à voler notre propriété intellectuelle ». La Chine et la Russie sont tentées par un partenariat dans l’intelligence artificielle, et « c’est une source d’inquiétude ».
Menace nord-coréenne
Pour les responsables du renseignement, le décalage est net au sujet des négociations avec la Corée du Nord, présentées par le président Trump comme un des grands succès diplomatiques de la première moitié de son mandat. « Nos évaluations continuent de montrer qu’il est peu probable que la Corée du Nord abandonne toutes ses armes nucléaires », ses missiles et « ses capacités de production », écrit le directeur du renseignement Dan Coats.
Malgré la suspension des essais nucléaires et balistiques « depuis plus d’un an » et « le démantèlement réversible de certaines parties des infrastructures », « nous continuons à observer des activités non compatibles avec une dénucléarisation totale », ajoute-t-il.
Une analyse à des années-lumière de l’autosatisfecit du président juste après son sommet historique, le 12 juin à Singapour, avec Kim Jong-un. « Il n’y a plus de menace nucléaire de la part de la Corée du Nord », avait-il claironné. Cette conclusion hâtive avait déjà été relativisée par son administration, mais celle-ci continue d’affirmer que le dirigeant nord-coréen s’est engagé en faveur d’une « dénucléarisation définitive et entièrement vérifiée » de son pays.
Or Dan Coats relève qu’à Singapour, le numéro un de Pyongyang n’a évoqué noir sur blanc qu’une « dénucléarisation complète de la péninsule coréenne » ; une formulation incluant l’exigence que les Etats-Unis mettent fin à leurs déploiements et exercices militaires dans la région.
Depuis, les négociations se sont enlisées. Selon le chef du renseignement états-unien, le régime juge toujours les armes nucléaires « indispensables » à sa « survie », et n’est donc prêt qu’à des « mesures de dénucléarisation partielle » en échange de « concessions-clés », notamment la levée des sanctions.
Ces mises en garde du renseignement arrivent à un moment où Donald Trump et Kim Jong- un doivent se retrouver vers la fin de février, probablement au Vietnam, pour un deuxième sommet déterminant pour la suite du processus.
L’Iran respecte ses engagements
Une autre crise nucléaire fait l’objet d’une analyse gênante pour la diplomatie des Etats-Unis : selon la directrice de la CIA, Gina Haspel, l’Iran respecte toujours « techniquement » l’accord conclu en 2015 pour l’empêcher de se doter de la bombe atomique, dont les Etats-Unis se sont pourtant retirés l’an dernier.
Et si « les Iraniens envisagent » dernièrement de « prendre leurs distances » avec ce texte, a-t-elle noté, c’est en raison de l’absence de retombées économiques ; Washington ayant rétabli des sanctions draconiennes contre Téhéran après son retrait, qui avait suscité la colère des alliés européens des Etats-Unis.
M. Coats a relevé le « soutien continu de Téhéran au terrorisme en Europe et au Moyen-Orient, notamment en parrainant des houtistes au Yémen et des militants chiites en Irak ».
Retrait de Syrie
L’annonce impromptue du retrait des soldats américains de Syrie, en décembre, a également semé un certain désarroi chez les alliés européens et kurdes des Etats-Unis, ainsi que dans les rangs républicains du président. Motif invoqué par Donald Trump : les djihadistes du groupe Etat islamique (EI) ont été vaincus. Là aussi, l’analyse du renseignement diffère largement.
L’EI « contrôle encore des milliers de combattants en Irak et en Syrie », a estimé Dan Coats. « Si on a éliminé le “califat” » mis en place par l’organisation djihadiste, « à l’exception de quelques petits villages, nous ne devons pas sous-estimer les capacités des groupes terroristes, notamment l’EI », a-t-il insisté.
Selon lui, « l’EI continuera à représenter une menace pour les Etats-Unis » : une mise en garde lourde de sens pour un président qui a fait de la « protection des Américains » le maître-mot de sa politique étrangère.

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