Les derniers adieux de Gdansk à Pawel Adamowicz, son maire assassiné

20 - Janvier - 2019

Officiellement, ce ne sont pas des funérailles nationales, mais dans les faits, elles sont royales. En Pologne, moins d’une semaine après l’attaque au couteau qui lui a coûté la vie, lundi 14 janvier, le maire de Gdansk, Pawel Adamowicz, a été salué une dernière fois par sa ville : un hommage par 50 000 personnes dans les rues de Gdansk, vendredi soir, qui a été être suivi par des obsèques dans la monumentale église Sainte-Marie, samedi 19 janvier.

Ecouté par 3 500 personnes à l’intérieur, et près de 45 000 dehors − l’équivalent de 10 % de la population de cette ville − l’archevêque de Gdansk, Leszek Slawoj Glodz, a remis des rosaires envoyés par le pape François aux proches du défunt.
« Gdansk était pour lui son troisième enfant »

Des écrans géants étaient disposés dans différents endroits de la ville pour permettre de suivre la cérémonie. Des photos du maire étaient exposées dans d’innombrables vitrines de magasins, dans des cafés et des restaurants.

Si la présence de nombreuses personnalités − le président de la République Andrzej Duda, son premier ministre Mateusz Morawiecki, le président du Conseil européen Donald Tusk et de trois chefs d’Etat à la retraite, dont l’Allemand Joachim Gauck et le prix Nobel de la paix polonais Lech Walesa − doit sans doute autant aux circonstances du décès qu’à la biographie de la victime, les habitants de Gdansk, eux, semblent avoir voulu avant tout exprimer leur reconnaissance pour « leur » maire, enfant du pays élu six fois à l’Hôtel de Ville.
Parmi les personnalités rassemblées à la basilique Saint-Marie, où ont été célébrées les obsèques de Pawel Adamowicz, maire de Gdansk, figuraient l’ancien président Lech Walesa, le président du Conseil européen, Donald Tusk, et le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki.
Parmi les personnalités rassemblées à la basilique Saint-Marie, où ont été célébrées les obsèques de Pawel Adamowicz, maire de Gdansk, figuraient l’ancien président Lech Walesa, le président du Conseil européen, Donald Tusk, et le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki. RENATA DABROWSKA / AGENCJA GAZETA / REUTERS

En novembre 2018, avec le slogan « Tout pour Gdansk », il avait reçu au second tour près de 65 % des voix. « Gdansk était pour lui son troisième enfant », a déclaré dans un émouvant discours Antonina Adamowicz, 15 ans et aînée des deux filles du défunt.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Quel que soit le meurtrier du maire de Gdansk, c’est l’escalade de la haine dans la vie publique qui est en cause »
« Ouvert, souriant »

La ville le lui rend bien. Après lui avoir offert leur sang pour transfusion dans la nuit suivant l’attaque, lorsque Pawel Adamowicz était encore entre la vie et la mort, les habitants avaient organisé toute la semaine des manifestations spontanées comme un « plus grand cœur du monde » formé de plus de 30 000 bougies.

Jeudi soir, la municipalité avait pris le relais en exposant le corps au Centre européen de Solidarité pour permettre à chacun de faire ses adieux au maire dans l’une de ses réalisations phares. A la fois lieu de débat et musée consacré au célèbre mouvement social, le Centre jouxte les grues des chantiers navals où, en 1980, Lech Walesa et ses camarades avaient contraint le régime communiste à autoriser la création de syndicats indépendants.

Toute la nuit, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont fait la queue patiemment dans le froid pour un dernier bref contact avec leur maire.

Pour Kazimierz, 72 ans, « Pawel Adamowicz était ouvert, souriant et parlait avec tout le monde », des qualités reconnues par beaucoup. Gawel, 25 ans, regrettait pour sa part la perte de l’« homme très bon » qui lui avait remis une médaille à l’issue d’une course à pied.

Les citoyens de Gdansk sont calmes et veulent simplement saluer leur maire. Personne n’aborde de façon spontanée la question du tueur ou du climat de « haine » mis en cause par de nombreux médias et personnalités publiques. « On dit que le type est peut-être irresponsable, mais pour l’instant, on ne peut tirer aucune conclusion, il faut attendre les résultats de l’enquête », commente Kazimierz. Certes, la retraitée Wislawa motive aussi sa venue par un « désir de protester contre la violence », mais n’en dira pas davantage. Un jour de deuil, ce n’est pas le propos.
Hommage au maire assassiné de Gdansk, Pawel Adamowicz, à Cracovie, le 19 janvier.
Hommage au maire assassiné de Gdansk, Pawel Adamowicz, à Cracovie, le 19 janvier. AGENCJA GAZETA / REUTERS
Risque d’instrumentalisation

A l’écart de la file, un homme a bien une idée. « Je m’appelle Janusz Maliczenko, j’ai 63 ans, dont la moitié passée aux chantiers navals. Notez bien que je soutiens le PiS [Droit et justice, le parti ultra-conservateur au pouvoir depuis 2015 et dont le libéral Pawel Adamowicz était un opposant]. Je suis venu dire adieu au maire de Gdansk, tué par un bandit. Il n’était pas de mon bord politique, mais quand j’ai appris sa mort à la télé lundi, j’ai pleuré comme si c’était mon frère. Il a été élu démocratiquement, et même si je n’avais pas les mêmes idées que lui, je n’aurais jamais souhaité sa mort. »

Dans son coupe-vent noir, il se tient en retrait, laissant sa femme attendre dans la file, car ses problèmes de dos, dit-il, l’empêchent de rester longtemps immobile. Ce n’est pas la seule raison. « Peut-être que ce n’est pas écrit PiS sur mon front, mais je n’ai pas envie d’entendre dire que c’est le PiS qui a tué Adamowicz. »

Bien que personne n’affirme aujourd’hui publiquement une telle chose, chacun des deux camps redoute que l’autre instrumentalise le crime à des fins politiques.

Le meurtre de Pawel Adamowicz peut-il à l’inverse contribuer à renouer le dialogue et reconstruire la confiance ? C’est ce que Janusz souhaite, même s’il est pessimiste.

« La logique chrétienne nous conduit de l’amour à l’espoir pour les vivants », a de son côté rappelé l’évêque Zbigniew Zielinski lors de la messe funèbre de vendredi. Il reviendra à son supérieur, Mgr Slawoj Leszek Glodz, de prendre la parole pour celle d’aujourd’hui devant les dirigeants politiques.

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