Les états d’âme des diplomates face au FN
Les états d’âme des diplomates face au FN
Ils ne sont pas seuls, au sein de la haute fonction publique, à se préoccuper de la montée dans les sondages de Marine Le Pen, mais les diplomates, de par leur fonction même, se retrouvent quotidiennement à devoir répondre aux inquiétudes de leurs interlocuteurs aussi bien en Europe qu’ailleurs sur les conséquences d’une possible victoire de la candidate du Front national à la présidentielle. Le rôle d’un ambassadeur est de représenter son pays mais aussi de défendre sa politique. D’où un vague à l’âme croissant. « Justifier le bien-fondé du Brexit et démontrer que la France doit suivre cet exemple ou expliquer que le seul moyen de mettre fin à la guerre en Syrie est de renforcer le pouvoir de Bachar Al-Assad contredirait tout ce en quoi je crois et toute la politique que nous avons menée depuis des années », soupire ainsi un ambassadeur.
Nul ne croit vraiment à une victoire de Mme Le Pen mais l’hypothèse est dans toutes les têtes. La plupart se taisent, y compris pour ne pas donner de la crédibilité à ce scénario catastrophe. Certains ont pourtant décidé de sortir du silence comme l’ambassadeur au Japon, Thierry Dana, affirmant dans une tribune publiée dans Le Monde daté du 9 mars qu’il se refuserait à « servir » une présidence Le Pen. « Si les éléments de la tragédie française qui se mettent en place devaient conduire à son élection, je me placerais en réserve de toute fonction diplomatique », écrit cet ambassadeur rappelé récemment de Tokyo et dont la nouvelle affectation n’est toujours pas connue. D’où quelques ricanements parmi certains de ses pairs. Tous lui reconnaissent néanmoins le mérite d’avoir posé publiquement un problème que, jusque-là, nombre d’entre eux préféraient éluder.
« Un très beau texte » a aussitôt réagi l’ambassadeur à Washington, Gérard Araud. Interrogé par un journaliste du Washington Post sur les conséquences d’une éventuelle victoire de la candidate du FN, il évoque « un désastre total ». Il rajoute que l’application du programme de Mme Le Pen, avec une sortie de la zone euro voire de l’Union européenne, entraînerait « un séisme politique ». « Cela signifierait l’effondrement de l’Union européenne, car l’Union européenne sans la France n’a aucun sens », explique également M. Araud.
Cet ambassadeur qui, en novembre 2016, apprenant le triomphe de Donald Trump, avait tweeté « un monde s’effondre.