">

Massacre de Thiaroye : « Monsieur Macron, réhabilitez la mémoire des tirailleurs sénégalais »

06 - Novembre - 2018

Agé de 80 ans et au soir de ma vie, je viens à vous pour enfin connaître toute la vérité sur les circonstances ayant entraîné la mort tragique de mon père et de ses compagnons d’infortune. Il est de l’impérieux devoir moral de la France que vous représentez de réhabiliter la mémoire des tirailleurs sénégalais tombés injustement à Thiaroye.
Le 7 novembre 2018, vous allez inaugurer un monument à Reims à la gloire des « Troupes noires » qui ont combattu avec courage durant les conflits mondiaux. Mon père, M’Bap Senghor, a rejoint le 6e RAC avec la mobilisation générale en 1939 et faisait partie de ces hommes qui se sont battus pour libérer la France. Fait prisonnier par les Allemands, il passa quatre longues années en captivité comme tant d’autres de ses frères d’armes venus des colonies et d’Afrique du Nord.
« Mort pour la France »
A la Libération, il a été renvoyé rapidement au Sénégal pour être démobilisé et retrouver sa femme et son fils qu’il n’a pas vu grandir. Mais mon père a été exécuté le 1er décembre 1944 lors du massacre de Thiaroye. Durant plus de 70 ans, les autorités françaises nous ont fait croire qu’il a été tué suite à une rébellion armée et qu’il était enterré dans une tombe anonyme du cimetière militaire de Thiaroye. C’est en 2014 que j’ai appris par le président Hollande, lors de son déplacement à Dakar, qu’en réalité mon père n’avait jamais été enterré dans une tombe et que l’endroit de sa sépulture demeurait inconnu. Par ailleurs, le président a reconnu qu’il n’avait pas perçu les sommes dues. Depuis les années 1970, je réclame des explications sur la mort de mon père avec le statut de pupille de la nation, en vain.

Désormais, avec l’avancée des connaissances historiques, il a été clairement établi qu’un récit officiel a été construit pour camoufler la spoliation des soldes de captivité, le massacre et le nombre de victimes et pour condamner des innocents.
J’ai donc adressé une requête au ministère de la défense puis des armées pour l’octroi de la mention « Mort pour la France », le remboursement des sommes dues et l’exhumation du corps de mon père. Mes courriers sont restés sans réponse alors que le ministère refuse toujours de désocculter un document caviardé et de rendre consultables des archives permettant notamment de connaître le lieu de la sépulture (fosses communes).
Crime et mensonge d’Etat
En 2018, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) a été contraint de répondre après ma saisine du tribunal administratif de Paris. J’apprends que l’ONAC refuse toujours d’attribuer la mention « Mort pour la France » au prétexte, entre autres, que mon père aurait été un déserteur. Sa fiche signalétique produite après le massacre mentionne qu’il aurait été incorporé au 6e RAC le jour même du massacre, qu’il manquait à l’appel du 1er décembre, mais aussi à celui du 12 décembre 1944, selon un courrier du ministre des anciens combattants.

Les autorités ont menti depuis toutes ces années et, aujourd’hui, je considère indécent que l’administration réitère les mensonges avec la complicité d’« historiens » plus enclins à défendre l’honneur d’officiers compromis que de restaurer celui bafoué des combattants africains dont mon père.
Aussi, je vous prie, Monsieur le Président, de bien vouloir tout mettre en œuvre afin d’exhumer le corps de mon père et de le réhabiliter, ainsi que tous ceux qui ont été victimes de ce crime et de ce mensonge d’Etat. Poursuivre l’obstruction à la manifestation de vérité sur un crime commis ne grandit pas la France.
Comptant sur votre détermination et avec mes plus vifs remerciements, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma plus haute considération.

Autres actualités

24 - Mai - 2019

Brexit : le bilan de Theresa May en cinq dates

Theresa May a annoncé, vendredi 24 mai, qu’elle démissionnerait le 7 juin. Une annonce qui marque la fin d’une épopée politique hors norme. Tour à...

24 - Mai - 2019

Les femmes, moteur de la métamorphose de la ville de Medellin en Colombie

Sur les flancs de la butte de Moravia, les plates-bandes carrées dessinent un ravissant patchwork. Le métro aérien qui traverse la ville de Medellin passe juste au pied du...

23 - Mai - 2019

Le vote des députés britanniques sur le Brexit encore repoussé

Repousser le vote pour espérer convaincre de l’utilité d’approuver le nouveau projet de loi à propos du Brexit ? Les raisons de ce changement de calendrier sont...

23 - Mai - 2019

Bombardement de Bouaké en 2004 : Alliot-Marie, Villepin et Barnier ne seront pas poursuivis

Ils ne seront pas poursuivis, ni jugés pour le bombardement de Bouaké en 2004. Les anciens ministres Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier ne feront...

22 - Mai - 2019

Les Etats-Unis donnent rendez-vous à Bahreïn pour le premier volet de leur plan de paix

C’est un premier rendez-vous, qui ne présage en rien de la suite et suscite déjà le scepticisme. L’administration Trump compte présenter à...