Mexique : le Veracruz sous l’emprise du crime
Disparitions, féminicides, meurtres de politiciens, de journalistes, détournements de fonds, corruption… A la veille du scrutin présidentiel du 1er juillet, l’Etat du Veracruz concentre tous les maux du Mexique.
Une goutte de sueur ruisselle sur son front. Marcela Zuritas enfonce un pieu dans le sol argileux, près de la ville de Cordoba, dans l’Etat du Veracruz, dans le sud-est du Mexique. Au milieu d’une végétation luxuriante, l’élégante sexagénaire, coiffée d’un chapeau de safari, extrait ensuite la longue tige en acier avant de sentir son extrémité. « Si ça sent le cadavre, on creuse », explique cette mère célibataire de trois enfants, qui cherche désespérément son fils aîné depuis octobre 2012. Comme lui, plus de 34 000 Mexicains sont officiellement portés disparus aux quatre coins d’un pays submergé par la violence des cartels de la drogue, dépassé par la corruption et l’impunité, englouti par la perte d’autorité morale du gouvernement. A la veille du scrutin présidentiel du 1er juillet, l’ambiance s’électrise dans cette région tropicale qui concentre les maux du Mexique.
« Nous voilà enquêtrices, légistes et piocheuses, car les autorités ne recherchent pas nos enfants », déplore Mme Zuritas, l’une des fondatrices d’El Solecito (« Petit soleil »), collectif régional de mères de disparus. A ses côtés, Hilaria Arzaba, 57 ans, se fraye à la machette un chemin dans la brousse. « Quand on trouve des restes humains, on prévient le ministère public pour les tests ADN », dit cette autre mère, dont le fils a disparu sept ans plus tôt, à l’âge de 19 ans, après une soirée entre amis. Créé en 2016, El Solecito compte plus de 200 membres dans l’Etat du Veracruz, qui décroche la triste palme nationale des disparus (3 600). Leur collectif est devenu célèbre après avoir localisé, en 2017, la plus grande fosse clandestine d’Amérique latine (295 crânes et des milliers de restes humains), au nord de la ville de Veracruz, en bordure du golfe du Mexique.
Loin du port et du centre touristique de cette agglomération coloniale de 550 000 habitants, les maisons décrépies laissent place à une campagne verdoyante.