Migrants : A Bruxelles, un débat miné par l’égoïsme des Etats
« Aucune nouvelle proposition nouvelle dans les 100 premiers jours » a annoncé aux députés européens Ylva Johansson, future commissaire européenne aux Affaires intérieures. En 2014, Jean-Claude Juncker, en arrivant à la présidence de la Commission européenne, avait fait de la migration l’une de ses priorités et prôné une politique « efficace, juste, solide ». Son collège a élaboré une quarantaine de propositions, dont la moitié a été entérinée – mais pas toujours appliquée. Les sept projets de réforme du droit d’asile élaborés par la Commission Juncker se sont enlisés. Au bout du compte, il restera surtout l’image d’une Europe bloquée, divisée et aveugle, où le thème de la « protection » (des frontières, d’un « mode de vie », voire d’un territoire « ethniquement pur », comme l’a affirmé en son temps la Pologne) a pris le pas sur tous les autres.
Oubliée la question morale
Désormais, plus personne, ou presque, ne critique l’accord conclu en 2016 avec la Turquie d’Erdogan pour une sous-traitance de la question migratoire qui a rendu l’Union dépendante d’un régime en pleine dérive autoritaire. Oubliée, aussi, la question morale dans la négociation qui a été menée avec les autorités libyennes, dont les gardes-côtes sont formés et payés pour contrôler les départs. Masquée par l’affirmation d’une indispensable lutte contre les réseaux de trafiquants, la situation des migrants dans les centres de détention de ce pays est régulièrement déplorée, mais jamais jugée suffisamment sérieuse pour entraîner la remise en question d’une politique visant à convaincre que l’Europe a cessé d’être la « passoire » décrite par les forces populistes. Lesquelles sont en tout cas parvenues à créer un sentiment d’insécurité identitaire.