Paris-Berlin : le mythe de la soumission

09 - Mai - 2017

Paris-Berlin : le mythe de la soumission

Editorial. Il est de bon ton depuis dix ans de décrire une France soumise à l’Allemagne. Rien n’est plus inexact. Les idées françaises font leur retour en Europe, comme on l’a constaté dans la gestion de la crise de l’euro.

Ce fut sans doute le seul moment du débat du deuxième tour de la présidentielle où l’on a pu esquisser un sourire. Lorsque Marine Le Pen a expliqué : « de toute façon, la France sera dirigée par une femme, ce sera Angela Merkel ou moi ». Sourire parce qu’au fond rien n’est plus inexact. Tant pour Emmanuel Macron que pour ses prédécesseurs François Hollande et Nicolas Sarkozy. On le sait, il est de bon ton depuis dix ans de décrire une France soumise à l’Allemagne. Ce procès en trahison patriotique fut inventé avec la création du vocable « Merkozy », celle d’un président Sarkozy soumis à la nouvelle chancelière allemande, ou le reproche d’un François Hollande effacé, qui ne serait, comme a osé le dire Marine Le Pen au Parlement européen fin 2015, que « le vice-chancelier de la province France ».
Certes, l’extraordinaire rebond de l’économie allemande a donné à Berlin une force et une visibilité internationales et européennes inédites. L’activisme de Sarkozy et le retrait de Hollande, tous deux excessifs, ont donné le sentiment d’une France d’autant plus absente qu’elle était incapable de changer, à la différence de sa voisine qui s’administra la potion amère des réformes de Gerhard Schröder pour en récolter les fruits de manière spectaculaire sous Angela Merkel. Tout cela est vrai. Mais, à y regarder de près, le décrochage européen de la France eut lieu sous Jacques Chirac, avec un élargissement mal maîtrisé, un référendum constitutionnel européen perdu et des règles de l’euro bafouées.
Achever l’union monétaire
Depuis dix ans, les idées françaises font leur lent retour, comme on l’a constaté dans la gestion de la crise de l’euro. Lors de la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre 2008, puis celle de la Grèce en 2010, c’est Nicolas Sarkozy qui a vu juste, décelant – avec le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet – un risque systémique, appelant à une action déterminée, là où Angela Merkel était prête à laisser faire. Ensuite, François Hollande joua un rôle majeur pour pousser au sauvetage de la Grèce et à la création d’une indispensable union bancaire. La rhétorique anti-France a ses limites. Tout cela fut fait à l’unisson avec la BCE, passée sous la direction de Mario Draghi.
En clair, l’euro, idée française construite sur des concepts allemands – équilibre budgétaire, absence de solidarité, lutte contre l’inflation –, n’a pas tenu le choc. Parce que les temps ont changé, parce que les Européens ne sont pas tous des Allemands. En dix ans, les règles de Maastricht ont été réécrites « à la française ». Avec les Allemands, qui ont multiplié les concessions, accepté que la BCE fasse marcher la planche à billets et que soient organisés des transferts financiers.
Le petit jeu médiatique d’une perpétuelle opposition franco-allemande – l’absurde dénigrement de l’un, l’excessive laudatio de l’autre – n’a qu’une conséquence : empêcher les deux pays, auxquels la géographie et l’histoire ont fixé un indéfectible destin commun, d’avancer. M. Macron a expliqué qu’il ne travaillerait pas « face » à Madame Merkel, mais « avec ». C’est l’impérieuse nécessité. Il faut achever l’union monétaire. Rien ne sera possible avant les élections allemandes de l’automne. D’ici là, le président Macron a le temps de faire ses premières réformes et de démontrer que la France devient digne de confiance. Il sera alors plus aisé de convaincre Berlin qu’il est temps d’aller plus loin dans la consolidation de la zone euro.

Autres actualités

03 - Mai - 2018

La Chine veut son mot à dire dans le processus de détente coréen

Soucieux de peser sur les divers scénarios pour la péninsule coréenne à l’approche du sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un, prévu fin mai ou...

02 - Mai - 2018

La tension monte entre Trump et le procureur spécial chargé de l’enquête « russe »

L’enquête « russe » s’approche-t-elle d’un moment de vérité ? Selon un article du Washington Post publié dans la soirée du mardi...

02 - Mai - 2018

La capitale centrafricaine plongée dans un nouveau cycle de violences

Des affrontements entre un groupe armé et les forces de sécurité ont fait au moins seize morts dans les environs du quartier musulman PK5, à Bangui. Des habitants...

30 - Avril - 2018

Muhammaduhari, premier dirigeant d’Afrique subsaharienne reçu par Donald Trump

Selon la Maison Blanche, les conversations vont se concentrer sur « la lutte contre le terrorisme » et le développement au Nigeria. Le président américain,...

30 - Avril - 2018

Royaume-Uni : Sajid Javid, nouveau ministre de l’intérieur chargé de désamorcer le scandale sur l’immigration

Figure de l’aile droite des conservateurs, Sajid Javid remplace Amber Rudd et va renforcer, au sein du gouvernement de Theresa May, le camp des eurosceptiques les plus remontés en...