Pauvreté, chômage, emploi… : Gossas veut combattre ses maux
Erigée en commune dès 1926, Gossas ressemble encore à un gros village qui peine à sortir la tête de l’eau. Malgré un bon potentiel agricole, la localité est l’une des plus pauvres au Sénégal. Beaucoup de jeunes et de femmes sont en chômage faute d’emplois. L’agriculture et la santé battent également de l’aile.
Située au cœur du Bassin arachidier, à cheval sur Kaolack et Diourbel, Gossas est une des plus anciennes communes du Sénégal. Elle a été érigée en commune le 4 décembre 1926 par le gouverneur de l’Afrique occidentale française (Aof) d’alors, Jacques-François Roger. Elle eut comme premier édile le député-maire Théophile James, à l’époque très influent responsable socialiste et très proche de Léopold Sédar Senghor. Babacar Seck, secrétaire municipal à la retraite, a été un témoin oculaire de l’histoire politique de Gossas depuis plus d’un demi-siècle.
Selon lui, la mairie a été inaugurée en 1963 par l’ancien président de la République. « C’est là-bas que, très jeune, j’ai fait mon premier discours devant Léopold Sédar Senghor », se rappelle avec nostalgie et fierté cet homme qui n’a comme diplôme que le Certificat d’études et se targue de manier le français mieux que les maîtrisards. M. Seck rappelle qu’à l’époque, Gossas n’était constituée que de cinq quartiers, à savoir 106, Ndiayène, Keur ElHadj, Pakha et Dangou, qui a finalement donné naissance à Dangou Lébou et Dangou Sérère. L’ancien secrétaire municipal indique, par ailleurs, que la localité a été créée par le Boursine Coumba Ndoffène Famak (Ndlr : le grand). Ce dernier avait régné à la tête du royaume du Sine au milieu du XIXème siècle et tenu tête à l’armée de l’Almamy Maba Diakhou Bâ en 1867 lors de la fameuse bataille de Somb.
Depuis l’inauguration de la mairie au début des années 1960, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Les équipes municipales se sont également succédé les unes aux autres ; mais le bâtiment qui abrite l’institution municipale défie encore le temps en dépit de son âge sexagénaire. Au centre-ville, les locaux, peints en couleur blanchâtre, trônent majestueusement en face de l’ancien garage ; tandis que leur architecture traditionnelle rappelle un peu l’histoire coloniale. En ce vendredi de campagne électorale, la mairie grouille de monde, malgré une chaleur hivernale qui pousse certains à se réfugier sous l’ombre des arbres, à défaut d’accéder à l’intérieur de la bâtisse. On assiste à un ballet incessant d’hommes politiques. L’ambiance est déjà à la bataille électorale en prévision des législatives du 30 juillet. Maire de la ville depuis 2009, en remplacement du libéral Mbaye Badiane, Madiagne Seck est très sollicité par les temps qui courent. Difficile de mettre la main sur lui à cause de son agenda chargé !
A court terme, il lui fallait gagner la bataille cruciale des législatives. Pari réussi : La liste départementale de « Benno Bokk Yaakaar » dirigée par Madické Diaw a remporté haut la main le scrutin dans le département de Gossas avec un pourcentage aux allures de plébiscite de près de 70%. Il est vrai que le Premier ministre, Mahammad Boun Abdallah Dionne, le président du Conseil départemental Adama Diallo et le nouveau député de Gossas, Madické Diaw, y ont joué un rôle important; mais l’apport de Madiagne Seck, le coordonnateur communal du comité électoral, a été déterminant. Elu en 2009 sous la bannière de la coalition « Dekkal Ngor » de Macky Sall, Madiagne Seck qui se définit comme un des premiers maires Apr du Sénégal est, sans doute, l’homme fort de la commune de Gossas. Pour preuve, le Secrétaire général de l’Association des maires du Sénégal (Ams) a été plébiscité lors des élections locales de 2014 aux dépens des autres candidats. Et il en veut davantage ! Sûr de lui, il a déjà annoncé, sans ambages, sa volonté de briguer un troisième mandat lors des prochaines élections locales prévues en 2019. A mi-mandat, Madiagne Seck s’est dit déjà satisfait de ses réalisations ; sans compter les autres grands chantiers en cours qu’il dit avoir lancés. « Nous avons très largement atteint nos objectifs, alors qu’il nous reste encore deux ans pour ce second mandat. Juste après les élections locales de 2014, nous avons soumis un document de planification au Premier ministre en tant que chef du gouvernement, mais aussi Gossassois. Il (Mahammad Boun Abdallah Dionne) nous a beaucoup appuyés et actuellement il y a plusieurs projets qui sont en train d’être déroulés dans le territoire communal mais également dans tout le département », explique-t-il avec satisfaction.
Parmi les projets en cours, il cite la nouvelle gare routière, la rénovation des voiries, la construction de 6 km de piste ainsi que celle d’un centre polyvalent dédié, entre autres, à la formation, à l’hébergement et à la restauration, etc. Le maire souligne, par ailleurs, qu’un appel d’offres a été lancé pour la construction d’un abattoir moderne, de même que pour l’équipement d’un complexe frigorifique au marché central. Ce dernier projet pourrait définitivement régler le problème de la rareté du poisson à Gossas qui s’explique par l’absence d’une unité de conservation.
En attendant la mise en œuvre réussie des projets entrepris, Gossas peine encore à changer de visage. Malgré son érection en commune qui remonte à plus d’un demi-siècle, la localité ressemble toujours à un gros village qui peine à sortir la tête de l’eau. En effet, en dépit des efforts qui ont été entrepris pour apporter des solutions aux préoccupations des populations, les défis à relever restent encore très nombreux. Parmi ceux-ci, la pauvreté et le chômage des jeunes occupent une place importante. « Actuellement, il n’y a aucune entreprise à Gossas où peuvent travailler les jeunes. La seule usine de traitement d’huile d’arachide qui était implantée ici a fait faillite il y a quelques temps », souligne avec regrets Mbaye Thiam, un jeune conducteur de moto « Jakarta ». Il explique que si de nombreux jeunes ont décidé de se rabattre sur les taxis « Jakarta » pour gagner dignement leur vie, c’est parce qu’ils n’ont pas eu d’autre alternative. « On ne peut, quand même, pas rester les bras croisés sans rien faire ; nous sommes, après tout, tous des soutiens de famille », se convainc Malick Badiane, un autre conducteur de moto « Jakarta ».
Dame Ndiaye, un étudiant à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, souligne que l’actuel régime, à travers le Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne, a pris un certain nombre de mesures visant à insérer les jeunes de Gossas dans la vie professionnelle. Il ajoute que beaucoup parmi ces derniers travaillent à l’Agence de sécurité de proximité (Asp), tandis que d’autres sont au Port autonome de Dakar (Pad) comme ouvriers. Les femmes aussi ne sont pas épargnées par le chômage. Faute d’emplois, beaucoup s’activent dans le petit commerce. Un petit tour au centre-ville permet de s’en convaincre avec les nombreux étals qui font partie du décor.
« Les femmes sont sans emplois et sont laissées à elles-mêmes. Elles sont dans l’oisiveté la plus totale à part certaines parmi elles qui tentent de s’activer dans le petit commerce avec des fortunes diverses », déplore Seydou Dia, un employé d’une Ong humanitaire internationale. Face à cette situation guère reluisante, il a décidé, avec le soutien de son Ong, d’aider les femmes à s’engager dans le créneau de la microfinance à travers un système d’épargne innovant. « Il ne s’agit plus de contracter des prêts auprès des banques, mais c’est elles-mêmes (les femmes), à travers un système de tontines, qui se prêtent l’argent à des taux intéressants. Au final, tout le monde y gagne et l’argent retourne toujours dans leur caisse », ajoute-t-il.
L’autre secteur qui mérite un remède de cheval est celui de la Santé. L’accès à des soins de santé de qualité relève d’un véritable casse-tête à Gossas. Le maire Madiagne Seck reconnaît lui-même que pour faire une radiographie, les populations sont obligées de se rendre à Kaolack ou à Diourbel. Ndèye Selbé Sèye, une quadragénaire, embouche la même trompette. Elle indique que la santé souffre d’un déficit d’infrastructures, d’équipements et d’un manque criant de personnel qualifié. « Beaucoup de villages ne disposent pas de cases de santé et certaines femmes se rendent à Kaolack pour faire une échographie. Le plateau technique est peu relevé à Gossas », déplore encore cette dame.
L’agriculture et l’élevage battent également de l’aile malgré de solides potentialités. A Gossas, la terre est fertile et propice à l’agriculture. Mais, fait remarquer Abdoulaye Badiane, le Secrétaire général des agriculteurs du département, le matériel agricole approprié fait souvent défaut ; sans compter les aléas climatiques qui impactent négativement le rendement. Selon lui, le maraîchage et la culture de contre-saison pourraient contribuer à résoudre le problème du chômage des jeunes et des femmes à Gossas.