Philippines : 10 militaires tués dans un bombardement de l’armée

01 - Juin - 2017

Philippines : 10 militaires tués dans un bombardement de l’armée

Une atmosphère de chaos et un sentiment d’impuissance : dans le sud des Philippines, l’armée s’enlise face à un groupe d’insurgés djihadistes, qui contrôle depuis une semaine une partie de la ville de Marawi, 200 000 habitants. Des djihadistes que, de toute évidence, Manille n’a pas vu venir.
Dix militaires philippins ont ainsi été tués, mercredi 31 mai, dans un bombardement aérien de leur propre aviation, qui visait les combattants islamistes retranchés dans la ville. Marawi est le théâtre, depuis une semaine, de combats de rue entre l’armée et des combattants islamistes ayant prêté allégeance à l’organisation Etat islamique (EI) qui se sont retranchés dans plusieurs quartiers de cette agglomération.
Bavures et ratés
Terrés chez eux, les habitants n’avaient eu de cesse d’appeler les militaires pour demander que cessent les bombardements en zone urbaine, alors que l’armée a dépêché des hélicoptères de combat et des avions d’entraînement non équipés pour ce type d’affrontements. Le secrétaire à la défense, Delfin Lorenzana, s’est retranché derrière la formule de « brouillard de la guerre » pour tenter de justifier les bavures et les ratés de ses troupes. Plus de 2 000 civils seraient toujours pris au piège dans les zones tenues par les insurgés, alors que les forces de sécurité annoncent avoir tué 89 islamistes et perdu 31 des leurs.
Les affrontements ont éclaté après un raid des forces de sécurité, mardi 23 mai, contre une cache supposée d’Isnilon Hapilon, considéré comme le chef de l’EI aux Philippines. Les Etats-Unis ont mis sa tête à prix pour 5 millions de dollars (4,5 millions d’euros). Il est également l’un des dirigeants d’Abou Sayyaf, groupe islamiste spécialisé dans les enlèvements crapuleux.
L’armée philippine semble avoir particulièrement mal évalué la capacité de résistance de l’ennemi avant de lancer le raid du 23 mai. Dans un quartier de Marawi, les forces régulières s’attendaient à mettre la main sur les frères Maute, qui s’appuient sur d’anciens membres d’une guérilla locale, le Front islamique de Libération Moro (MILF), ayant pour l’essentiel fait allégeance à l’EI.
Coup d’éclat et acte fondateur
En lieu et place, elles ont identifié Isnilon Hapilon, le leader d’Abou Sayyaf. Le général chargé de l’opération, Rolando Bautista, a qualifié la situation de « cible opportune » : l’identification non anticipée d’un individu hautement recherché dans une situation permettant sa capture, selon l’évaluation que faisait l’armée. Les soldats philippins décidèrent d’intervenir au plus vite mais furent rapidement dépassés par la réponse des combattants islamistes, qui parvinrent à tenir des rues, des ponts et des bâtiments officiels. « Nous ne nous attendions pas à ce qui allait suivre, leurs réactions, a reconnu le général Bautista auprès du site Rappler. Nous n’anticipions pas non plus les capacités de leurs snipers. »
L’armée dit avoir reçu, deux à trois semaines avant son opération, des informations sur l’intention des extrémistes de se saisir de la ville de Marawi, mais le raid des militaires, mal préparé, semble avoir poussé les djihadistes à mettre en pratique prématurément un plan déjà quasiment abouti : s’emparer d’une ville, coup d’éclat et acte fondateur des différentes franchises de l’EI à travers le monde.
A l’image des dynamiques à l’œuvre dans le Caucase ou en Afrique de l’Ouest, les groupes djihadistes philippins, qui agrègent désormais des combattants indonésiens, malaisiens et même quelques « volontaires » maghrébins, sont engagés depuis 2015 dans un processus de collaboration sous la tutelle de l’EI pour maximiser leur exposition médiatique et leur pouvoir d’attraction en se plaçant sous la bannière du « califat » irako-syrien d’Abou Bakr Al-Baghdadi. Le leader du mouvement djihadiste peut, de son côté, se prévaloir de l’extension de son mouvement en Asie du Sud-Est.
Sous pression, le président du pays, Rodrigo Duterte, qui a déclenché par ailleurs une « guerre contre la drogue » qui a fait 7 000 morts dans le pays, a dit accepter, samedi 27 mai, les offres de service des guérillas communistes et musulmanes que ­Manille affronte depuis des décennies, pour tenter de mater l’insurrection djihadiste.

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