Seydou Guèye, porte-parole du gouvernement : « La politique de reddition des comptes concerne tous les citoyens »
Seydou Guèye, porte-parole du gouvernement : « La politique de reddition des comptes concerne tous les citoyens »
Ministre auprès du Premier ministre, Porte-parole du gouvernement, Seydou Guèye rejette les arguments avancés par le maire de Dakar pour justifier l’utilisation des fonds de la caisse d’avance de la mairie de Dakar. Pour M. Guèye, il n’y a aucune vertu à perpétuer de mauvaises pratiques qui ont eu lieu à la tête de l’institution municipale. Dans cet entretien, le Porte-parole de l’Apr estime également que la politique de reddition des comptes concerne tous les citoyens.
Monsieur le ministre, le chef de l’Etat effectue depuis quelques jours une tournée dans le nord du pays. Qu’est ce qui explique ce déplacement ?
Cette tournée du président Macky Sall s’inscrit dans une démarche de gouvernance inclusive de proximité et dans la continuité. Avant son arrivée au pouvoir, le président Sall a fait le tour du pays et a rencontré les Sénégalais afin de partager leur quotidien, leurs difficultés et surtout susciter leur espoir d'un lendemain bien meilleur une fois qu'ils l'auront porté à la magistrature suprême. Après son élection, dans un contexte où tout était urgence, il a aussitôt mis le pays en chantier. Etant un homme pragmatique comme il le dit, il n'est pas un chef d'Etat qui reste confortablement au Palais, il a tenu dans chacune des quatorze régions du pays un Conseil des ministres délocalisé, à l'issue duquel un programme d'actions régional a été validé et exécuté par la suite. Sur ses instructions, les gouverneurs de Région ont organisé des Crd pour évaluer le niveau d'exécution des différents programmes d'actions, qui du reste est jugé très satisfaisant. C’est une simple question de cohérence s’il initie une tournée économique dans les régions qu'il a déjà visitées pour procéder à des inaugurations et lancer aussi de nouveaux chantiers. Cette tournée dans le nord du pays est donc celle d’un président qui tient la boussole de son pays et qui l'oriente vers l’émergence.
Qu’est ce que cette tournée apporte de positif dans le quotidien des Sénégalais ?
Incontestablement, cette tournée économique permet aux Sénégalais, non seulement d'être au contact de leur président, de pouvoir dialoguer avec lui, de lui faire vivre leur réalité de tous les jours, de trouver des solutions urgentes à leurs préoccupations. C’est aussi l’occasion, me semble-t-il, de partager de rares moments de bonheur que procure l'inauguration d'une nouvelle infrastructure, par exemple d'une route bitumée comme la RN2 dont la traversée était un chemin de croix pour les populations de l'Ile à Morphil. Allez leur demander, elles vous diront certainement combien elles apprécient cette tournée économique du Président Macky Sall. Je crois que c’est manquer de générosité envers les Sénégalais que de vouloir les priver de rencontrer le chef de l’Etat, ce qui constitue toujours un moment fort, pour ne pas dire intense.
Pourquoi cette tournée intervient à 3 mois des élections ?
L’opposition dénonce une campagne déguisée… Je crois que l’opposition a complètement perdu le nord, au propre comme au figuré. Les images vues à la télé parlent d’elles-mêmes et illustrent bien la fusion entre le Président et les populations, comme cela est le cas partout dans le pays. Bref, souvenez-vous, c'est exactement le même discours qu'elle avait tenu lors de la tournée économique que le président Macky Sall a organisée en octobre 2016, à l'Est et au centre du pays. Est-ce qu'en ce moment là il y avait des élections en vue ? Bien sûr que non. L'opposition n’a d’autre programme, si ce n'est commenter les activités du président Macky Sall et de son gouvernement. Si elle ne craint pas le ridicule, libre à elle. Le président travaille et les Sénégalais voient la géographie de leur pays se transformer, leur quotidien s’améliorer, notamment avec la baisse inédite en 57 ans d’indépendance, de leurs factures d’électricité. Khalifa Sall a été placé sous mandat de dépôt dans le cadre de l’enquête sur le rapport de l’Ige sur la gestion de la ville de Dakar. Quelle appréciation en faites-vous ?
Vous parlez bien d'un rapport de l'Inspection générale d'Etat qui est un corps de contrôle très prestigieux et qui intervient suivant des règles et procédures internationalement reconnues. Dans son programme d'intervention, elle a eu à visiter plusieurs mairies et parmi celles-ci, la mairie de Dakar. L’Ige a découvert des pratiques non conformes aux prescriptions légales dans la gestion de la caisse d'avance par le maire Khalifa Sall. Personnellement, je ne savais pas que les vendeurs de café Touba vendaient aussi du riz et du mil et délivraient des factures. Maintenant, si on se limite aux faits, on peut constater que le maire de Dakar ne nie pas les faits et se fonde sur une pratique coutumière de ses prédécesseurs. Devant l’Ige qui a une procédure contradictoire, devant les enquêteurs et devant le juge d'instruction, il n'a pas été en mesure de convaincre sur l'utilisation de cette importante somme d'argent. Alors, comme tout citoyen, sur qui pèse une présomption d’innocence, il devra s'expliquer devant la justice de notre pays qui établit la vérité judicaire dans cette affaire.
Pourquoi l’Etat a attendu la veille des élections législatives pour déclencher une procédure contre le maire de Dakar ?
Vous savez, pour tout ce que le pouvoir fera d'ici aux élections législatives et même jusqu'en 2019, certains trouveront toujours une interprétation politique voire irrationnelle. Avec la tournée économique du chef de l'Etat, on parle de campagne électorale, comme si les Sénégalais de l’intérieur n’avaient pas la dignité d’être rencontrés par le chef de l’Etat. Eux seuls comptent avec leurs privilèges et leurs agendas pouvoiristes. Soyons sérieux un peu. Alors ça ne nous surprend guère qu'ils convoquent les législatives pour condamner l'inculpation de Monsieur Khalifa Sall. En tout état de cause, les faits sont là et ils sont têtus, puisqu'il s'agit de deniers publics et de non respect des procédures prescrites. A ce sujet, il n'y a aucun compromis possible et le juge est tenu d'appliquer la loi dans toute sa rigueur, c'est à dire le placer sous mandat de dépôt. En définitive, ce dont il s’agit, ce n’est pas un débat calendaire mais, une procédure judiciaire qui implique un maire à qui il est demandé une justification comptable des deniers publics qui lui ont été confiés. D’aucuns voient dans cette affaire une volonté de barrer la route à un adversaire politique… Il s’agit de la reddition des comptes. Et à les entendre s’acharner sur la justice de notre pays, c’est comme s’ils n’étaient pas prêts pour la reddition des comptes. Si tel était le cas, il y a de quoi désespérer de notre opposition et d’avoir peur pour notre démocratie et notre Etat de droit. Encore une fois, il est juste demandé au maire Khalifa Sall de justifier les 30 millions de FCfa qu'il tirait chaque mois de la caisse d'avance. C'est simplement la reddition des comptes qui est un principe de gestion et de bonne gouvernance. Pour ses partisans, il n’y a que de la politique dans cette affaire et rien d’autres. Si vous observez bien la réalité, vous vous rendrez bien compte de qui a voulu faire de cette affaire une affaire politique, avec une stratégie bien pensée de victime ou de martyr. Vous savez, les Sénégalais ne se laissent pas facilement manipuler, encore moins par la classe politique. Mais vous aurez remarqué que le maire de Dakar, un peu avant sa convocation, a radicalisé son discours contre le régime, et entamé subitement des tournées à l’intérieur du pays. Il a, par la suite, lui-même, au cours d’une conférence de presse, annoncé sa convocation à la Dic, sans avoir reçu de convocation, donc ne sachant ni le jour, ni l’heure de sa rencontre avec les enquêteurs et évoquant même la caisse d’avance. En vérité, tout s’est passé comme si le maire de Dakar, se sachant visé par la justice, a fait dans l’anticipation, en s’abritant sous son manteau d’homme politique et de candidat potentiel pour se mettre hors de portée de la justice, ou susciter l’émoi des Sénégalais et jeter le discrédit sur l’Etat. Et dans la continuité, son camp fait dans l’hystérie présidentielle, sautillant nerveusement pour annoncer sa candidature, parlant d’une liste aux législatives, comme si le maire Khalifa Sall n’avait eu, sans entraves et sans contraintes, eu de listes, contre « Benno Bokk Yaakaar », au locales de 2014 et pour l’élection des membres du Haut conseil. Mais, j'ai l'impression que, pour eux, sous le prétexte que c'est un adversaire politique, il ne doit pas être interpellé même dans sa gestion des fonds publics. Pour ma part, je pense que le maire de Dakar tient l’occasion rêvée de prouver sa bonne foi et qu'il a bien géré l'argent des dakarois en toute transparence et suivant les règles de la comptabilité publique.
En réponse aux accusations portant sur l’utilisation des fonds de la caisse d’avance de la maire, Khalifa Sall a invoqué une vieille pratique ?
Ce n’est pas parce que ces pratiques frauduleuses persistent dans le temps qu’elles deviennent légales. Elles n’ont aucun soubassement juridique. Le chef de l’Etat a été élu sur la base d’un modèle de société qu’il a proposé aux Sénégalais où la lutte contre l’impunité, la délinquance financière, le détournement de deniers publics occupent une place de choix. Et nos concitoyens sont d’avis que la probité morale doit être au cœur de la gouvernance publique. En cela, ils sont en phase avec le président Sall. Il a indiqué que ces fonds ont permis d’assister des personnes malades… Je pense qu’il fait dans la confusion et l'amalgame en voulant se réfugier derrière des actions de bienfaisance pour se dédouaner. Personne n’est contre le secours aux pauvres, aux indigents ou aux plus précarisés d’entre nous. Mais, dans le budget de la ville de Dakar, il y a des lignes spécifiques, dédiées à ce type de dépenses notamment les aides et secours. Admettons que cela soit le cas, alors qu'il donne au juge les pièces justificatives, les décharges attestant que telle personne a reçu un appui pour acheter une ordonnance ou pour se faire soigner.
Certains parlent de caisse d’avance, d’autres de fonds politiques. Quel est le terme adéquat ?
Le terme adéquat est « régie d’avance » ou « régie de dépenses ». Certains partisans du maire de Dakar ont tenté d’entretenir le flou en faisant croire que ces régies d’avances sont identiques aux fonds spéciaux ou de souveraineté. Une caisse d’avance ne peut pas être comparée aux fonds spéciaux qui sont autorisés par la loi et votés à l’Assemblée nationale. Et dans le Code général des collectivités territoriales, encore moins dans la nomenclature budgétaire des collectivités locales, il n’existe pas de fonds politiques.
L’utilisation de la caisse d’avance obéit-elle à des règles ?
Tout à fait et c'est le décret n°2003-657 du 14 aout 2003 relatif aux régies de recettes et régies d'avance qui en fixe les conditions d'organisation, de fonctionnement et de contrôle. La régie d’avance est une facilité offerte à l'ordonnateur de disposer de l'argent à l'avance pour exécuter une certaine catégorie de dépenses, et à charge pour le régisseur de fournir, a postériori, les pièces justificatives des dépenses effectuées. Il faut avouer, qu’une telle facilité à disposer de l'argent peut pousser à certaines dérives.
Le maire est-il tenu de justifier l’utilisation de ces fonds ?
Pour ce que j’en sais, c’est le ministre des Finances qui fixe les montants et le maire est tenu de ne pas dépasser ces montants et après utilisation, il doit fournir les justificatifs pour que la caisse soit renouvelée. Une régie d'avance n'est pas une « caisse noire » et ne peut être assimilée à des fonds spéciaux. Dans cette affaire de caisse d'avance de la mairie de Dakar, c'est le procédé pour sortir les trente millions qui est mis en cause par l'Ige et il y a eu vraisemblablement du faux.
Pourquoi l’Etat invoque le principe de la reddition des comptes alors que cette caisse a existé depuis longtemps ?
Il n’y a aucune vertu à perpétuer de mauvaises pratiques, c’est cela la réalité. On ne peut plus persister dans les pratiques d’antan et vouloir la rupture. Il revient au président Macky Sall et au gouvernement de donner la force et la crédibilité nécessaire à nos institutions. C’est cela la rupture promise aux Sénégalais. Et dans cette tâche, tout le monde est concerné par cette politique de reddition des comptes.
Faut-il réglementer davantage l’utilisation de ces fonds ?
Elles le sont déjà. Mais s’il faut des améliorations pour conjurer les risques et éloigner les tentations, cela pourrait s’avérer utile de faire évoluer la procédure les concernant afin que les ressources aillent en totalité aux populations qui en ont besoin, qui devraient en être les véritables bénéficiaires, parce qu’étant les propriétaires.
Des responsables de l’Apr ont été cités comme faisant partie des bénéficiaires. Confirmez-vous cela ? Ce dossier ne gêne-t-il pas ?
Je pense qu’il appartient à ceux qui font ces affabulations de les prouver. C'est bien facile de dire j'ai donné à un tel ou à un autre. Il faudrait qu'ils apportent la preuve de leurs allégations.
D’aucuns pensent que le maire de Dakar paie son refus d’entrer dans les rangs de « Benno Bokk Yaakaar » ?
Jusqu’à preuve du contraire, Khalifa Sall est membre du Parti socialiste, qui est lui même une formation majeure de la coalition « Benno Bokk Yaakaar ». Loin de nous l’idée de faire payer quoi ce soit à qui que ce soit. Nous sommes en démocratie les hommes sont libres et la loi demeure la seule référence. Et dans ce dossier, les procédures prévues par la loi et le code des collectivités locales ont été vraisemblablement détournées. Quand des affaires similaires se passent sous d’autres cieux, comme c’est le cas présentement en France avec les affaires Fillon et Macron, on salue admirativement l’indépendance de la justice. Quand c’est chez nous, certains évoquent une justice téléguidée. Respectons la Justice et nos institutions.
Le rapport de l’Ige a épinglé des personnes proches de l’Apr, mais celles-ci ne sont pas inquiétées…
Je ne suis pas de cet avis. Des suites ont été données ou le seront après les différents manquements constatés dans les communes sénégalaises inspectées par l’Ige dans son programme de travail régulier arrêté au titre de l’année 2016. Lesdits manquements ont entrainé l’ouverture d’une information judiciaire mais le déferrement d’autres responsables d’autres communes inspectées la même année auprès de la Chambre de discipline financière de la Cour des Comptes. Je crois même que la presse en a déjà fait écho. Alors, je pense qu’on ne peut pas nous faire le procès de la discrimination.