Syrie : « A Alep, on est presque dans une situation de crimes contre l’humanité »
Syrie : « A Alep, on est presque dans une situation de crimes contre l’humanité »
Quelques jours après la reprise des bombardements russes et syriens à Alep, deuxième ville de Syrie, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni en urgence, dimanche 25 septembre, à la demande de la France, des Etats-Unis et du Royaume-Uni, qui ont accusé la Russie de « crimes de guerre ».
Pour Ziad Majed, politologue et professeur à l’université américaine de Paris, l’inaction des pays occidentaux renforce politiquement et militairement le régime syrien et son allié russe.
Quelle est la situation humanitaire et militaire à Alep aujourd’hui, alors que les bombardements ont repris de façon soutenue ?
Ziad Majed : D’un point de vue humanitaire, on sait la catastrophe que connaissent les populations civiles. Avec les bombardements, beaucoup de blessés ne peuvent pas trouver de centres pour se soigner. La destruction des hôpitaux, des convois humanitaires et des centres médicaux a pour objectif d’y rendre la vie impossible.
De plus, l’utilisation de certaines bombes, notamment par l’aviation russe, qui détruisent les abris souterrains où beaucoup d’hôpitaux de campagne et certains dispensaires étaient installés, menace tout ce qui reste de l’infrastructure sanitaire et de soins médicaux.
Sur le terrain, militairement parlant, les Russes couvrent l’offensive du régime dans la région de Handarat – l’ancien camp palestinien au nord-est de la ville. Le régime a pu progresser, et l’encerclement de la ville s’impose de plus en plus. Cela ne veut pas dire qu’ils vont pouvoir contrôler tous les quartiers est encerclés ou les banlieues de la ville. C’est un espace important, où il y a des milliers de combattants. Mais ils peuvent progresser et contrôler quelques rues, des axes très importants de la ville, et dire qu’ils ne sont pas loin de la reprise d’Alep, et entrer dans de nouvelles négociations plus favorables pour eux.
Le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault, a comparé la situation d’Alep à celle de Sarajevo, en Bosnie. Cette analogie vous semble-t-elle juste ?
Je pense que c’est pire que Sarajevo. On fait cette comparaison par rapport au siège, et à l’incapacité de la communauté internationale de réagir à temps. Mais il est plutôt dans un scénario Grozny. Et si on parle d’un point de vue de droit international, et de la convention de Genève, ce qui se passe commence même à dépasser le cadre des crimes de guerre, ce sont presque des crimes contre l’humanité. Non seulement il y a des dégâts parmi les civils mais on est en train de viser de manière directe l’infrastructure qui permet aux civils de survivre s’ils sont blessés et on est en train de les affamer par le siège, de les brûler, etc.