Transhumants et alliés en pole position, apéristes pur jus en rade
La présidentielle de 2019 approche dans un contexte où l’Alliance pour la République (APR) est confrontée à deux difficultés majeures. D’une part, une crise interne ponctuée par des tensions entre factions, d’autre part une érosion de l’électorat du parti au pouvoir si l’on se fie aux dernières élections législatives.
D’où le recours de Macky Sall à certains leaders membres de la coalition présidentielle pour diriger la campagne de collecte des signatures pour le parrainage de sa candidature, primum movens de la campagne électorale. Si une telle initiative atteint les résultats escomptés, elle pourra servir de base pour lancer la campagne électorale de la présidentielle de février 2019. Mais tout échec individuel peut avoir des répercussions politiques dommageables dans la configuration de l’équipe de la campagne électorale prochaine.
Le président de la République Macky Sall, c’est un euphémisme, est obnubilé par sa réélection. Pour ce faire, il a déjà pris les devants par rapport à l’opposition en manageant sa stratégie de campagne de collecte des parrainages. Après la nomination d’une coordonnatrice nationale chargée de cette question en la personne de Mme Aminata Touré, ancien Premier ministre, le président candidat a désigné 15 délégués (dont un de la diaspora) pour diriger la campagne de collecte dans leurs régions respectives.
Ainsi pour mener à bien sa campagne de collecte, Macky Sall a senti la nécessité de constituer autour de lui des équipes sectorielles dont les responsabilités et les missions sont clairement définies. Par conséquent, chaque équipe pilotera et affinera sa stratégie pour la campagne de collecte des signatures. Cela dit, il convient de se demander pourquoi Macky Sall n’a-t-il pas laissé la coordonnatrice nationale élaborer sa propre stratégie de collecte au lieu de choisir lui-même ses propres délégués ?
En effet, si on regarde bien les responsables politiques de Bennoo Bokk Yaakaar (BBY) sur lesquels il a jeté son dévolu, on se rend compte que la plupart d’entre eux ne sont pas membres de l’APR ou ne sont pas des apéristes de la première heure. Jugez-en : à Thiès, Ousmane Tanor Dieng, un allié, se chargera de diriger la campagne de collecte de parrainages ; Moustapha Niasse, un autre allié, a la même mission dans la région de Kaolack ; Aminata Mbengue Ndiaye, également une alliée, prend les rênes à Louga tandis que Pape Diouf, un transhumant, sera le porte-étendard de la majorité présidentielle dans la région de Diourbel.
A Ziguinchor, Robert Sagna, un allié, dirigera la campagne de collecte. Le poste de coordinateur national dévolu à Mme Aminata Touré n’est en réalité qu’une coquille vide parce que l’ancien Premier ministre devra se contenter de faire un travail de compilation des différents parrainages collectés par les délégués désignés.
Et encore, c’est le conseiller spécial Abdou Aziz Mbaye, factotum du couple présidentiel, qui réceptionne au niveau national les listes de parrainages. Ne pouvant pas nommer « Mimi » au poste de déléguée, le Président lui laisse la coordination nationale pour ne pas en rajouter aux avanies qu’elle subit au sein de l’APR depuis sa défénestration du 9e étage du Building administratif.
Le choix d’Amadou Bâ, rallié au camp présidentiel après la victoire de 2012 après avoir milité dans la Génération du concret, se justifie par son score gagnant lors des dernières législatives à Dakar surtout au niveau des Parcelles assainies qui sont le grenier électoral de la capitale.
En adoubant Amadou Bâ, Macky Sall relègue Diouf Sarr au second plan et éteint les ambitions du ministre de la Santé pour la mairie de Dakar aux prochaines élections locales. Il en est de même pour Aminata Touré qui pensait être ressuscitée politiquement après ses déboires électoraux et son apatridie politique.
Rappelons que le président Sall l’avait exilée à Kaolack pour qu’elle y milite. Mais les politiciens de la capitale du Bassin arachidier tels que les ministres Mariama Sarr et Diène Farba Sarr lui ont manifesté vivement leur hostilité et signifié qu’elle n’y était pas la bienvenue au point que la pauvre Mimi ne sait plus dans quelle localité militer.
Youssou Ndour, Moustapha Cissé Lô et d’autres responsables apéristes qui guignent la mairie de la ville de Dakar ne manqueront pas, parle verbe ou l’attitude, d’exprimer leur mécontentement suite à leur mise à l’écart dans le choix du coordonnateur de Dakar.
Le message est clair, l’homme de confiance du Président Sall à Dakar, c’est Amadou Bâ, ministre des Finances. Et s’il advenait au mois de février 2019 que le Président Sall soit réélu, Amadou Bâ sera indubitablement le candidat de Bennoo pour déboulonner Taxawu Dakar à la mairie de Dakar.
TANOR DIENG, L’HOMME-LIGE DU PRESIDENT-CANDIDAT
A Louga, le choix porté sur la ministre socialiste de l’Elevage, Aminata Mbengue Ndiaye, vise à dissiper les profondes divisions entre les responsables Amadou Mberry Sylla, président du conseil départemental, Mamour Diallo, directeur des Domaines, et Moustapha Diop, ministre-maire. Pour le président Sall, la responsable socialiste fédérerait mieux les militants autour de sa personne et même ses rapports avec le ministre Moustapha Diop.
Tanor lancé dans la région de Thiès serait l’homme-lige du président-candidat qui oblitérera le manque d’unité dont souffre la mouvance présidentielle. Thiès, c’est la région d’origine du directeur de cabinet du président et maire de Thiadiaye, Oumar Youm, et aussi celle de Serigne Guèye Diop, maire de Sandiara, ministre-conseiller du président de la République.
Or, il est de notoriété publique que ces deux responsables de l’APR se crêpent le chignon à chaque occurrence. Le même phénomène est constatable à Thiès entre le directeur général de la Poste Siré Dia, le député Abdou Mbow, le PCA du Fongip, docteur Pape Amadou Ndiaye, Maodo Malick Mbaye, le directeur général de l’Anamo, la PCA du Petit train bleu, Seynabou Ndiéguène et le ministre des Forces armées Augustin Tine.
Le triste constat fait est que ces responsables apéristes et leurs militants ne cessent de se crêper le chignon parce que chaque leader essaie de prouver au chef de l’APR qu’il travaille mieux que l’autre. Face à la menace que constituerait la désignation d’une seule de ces personnes comme délégué régional préposé à diriger la campagne de collecte des parrainages, Macky Sall a préféré le secrétaire général du Parti Socialiste comme facteur d’unité même s’il peine à électriser les foules.
Une unité de ses troupes sur laquelle Macky Sall compte pour venir à bout de ses adversaires coriaces et tenaces que sont Idrissa Seck et Thierno Alassane Sall lors de la présidentielle de février 2019. Moustapha Niasse a la même tâche à accomplir dans la région de Kaolack entre les fortes têtes que sont Mariama Sarr et Diène Farba Sarr.
La tension entre ces deux ministres et responsables apéristes à Kaolack a atteint son paroxysme lors des dernières législatives où chacun d’eux avait monté son propre comité électoral et ce non obstant les injonctions du président de l’APR.
Si le ministre du Renouveau urbain avait enrôlé dans son camp Me Nafissatou Diop, le président du conseil départemental de Kaolack, Baba Ndiaye, la 1ère vice-présidente de l’Assemblée nationale, Awa Guèye, l’alors ministre de la Femme avait pu compter sur Khoureychi Niasse, le socialiste Cheikh Seck, Guédel Mbodj, et Adji Mbergane Kanouté. Etant donné que la division entre ces deux responsables est encore béante, Macky a préféré faire appel au président de l’Assemblée nationale pour fédérer toutes les oppositions intra-partisanes.
LA DELICATE MISSION DE ROBERT SAGNA A ZIGUINCHOR
A Ziguinchor, Robert Sagna aura la délicate mission de diriger la campagne régionale de collecte de parrainages du candidat de Bennoo. Dans cette région du Sud, les divisions entre responsables sont saillantes voire saignantes. C’est pourquoi, le président de la République espère que le vieux Robert Sagna pourra unir les tendances de Benoit Sambou, Angélique Manga, Doudou Ka et Innocence Ntab Ndiaye aux fins de venir à bout d’Abdoulaye Baldé, le patron de l’Union centriste du Sénégal (UCS) et maire de la ville, fortement ancré dansla région de Ziguinchor.
De tous, Pape Diouf de Bambey a la mission la plus difficile. En conflit permanent avec les apéristes Mor Ngom, Pape Abdou Khadre Mbodj, le président du Mouvement pour la Démocratie et la République, peu introduit à Diourbel et Touba, aurait besoin d’une panacée pour diriger avec succès la campagne de collecte dans cette région où le président Macky Salla perdu toutes les élections surtout à Touba qui polarise l’essentiel des électeurs de la région. A Kédougou, c’est la transhumante Aïssatou Aya Ndiaye qui dirige les opérations.
AMADOU BA, UN AVENIR POLITIQUE EN JEU
Quant à Amadou Ba, il joue son avenir politique. Sa confirmation ou sa mise à l’écart dans la prochaine équipe de campagne électorale du président sortant dépendra du nombre de parrains qu’il recrutera à Dakar. Le président joue son va-tout dans la capitale où il est ultra-minoritaire avec 34%.
La région de Diourbel, plus particulièrement Touba, deuxième démographie électorale du Sénégal, constitue l’enjeu le plus capital après Dakar. La responsabilisation de leaders politiques extra-Apr au niveau de ces régions susnommées peut constituer une solution efficace pour tuer toute tentative divisionniste ou cicatriser les déchirures entre militants apéristes voire bennistes.
Si certains apéristes y voient une décision salutaire pour préserver l’unité et aller vers la victoire, d’autres interprètent ces nominations comme un manque de confiance du président-candidat visà-vis de ses militants de la première heure. C’est dire donc que chacun des délégués joue sa tête. Tout échec de l’un d’entre eux au détriment des apéristes pur sucre serait synonyme d’une mise à l’écart voire d’une disqualification à la prochaine campagne électorale.