A Bogota, le « contre-monument » hommage aux victimes des guérillas colombiennes

28 - Décembre - 2018

Des murs blancs et nus de 8 mètres de haut, des baies vitrées qui donnent sur des ruines et des fougères, le silence, un sol d’acier. Fragmentos (« fragments »), « espace d’art et de mémoire », a ouvert ses portes dans le centre de Bogota. Le public y marche sur les armes des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), aujourd’hui démobilisées. Trente-sept tonnes de ­fusils-mitrailleurs, de lance-grenades, de munitions sont devenues 1 236 dalles d’acier.
L’accord de paix signé en 2016 avec la guérilla prévoyait que les armes remises à l’ONU deviendraient un monument à la paix. « Aucune arme ne mérite d’être glorifiée dans la hauteur », résume l’artiste Doris Salcedo, qui présente son œuvre comme un « contre-monument ». Il a été érigé sur les restes d’une bâtisse en torchis du XVIIIe siècle. Les visiteurs y foulent en silence le métal meurtrier. « On pense aux victimes, la sensation est très forte », murmure Carolina, une étudiante de 23 ans, en entrant dans la gigantesque salle vide au bout du couloir vitré. Elle ajoute : « Mais, debout sur ces armes éteintes, je ressens aussi de l’espoir. »
Fragmentos est une œuvre collective. Un bref documentaire l’explique. Des dizaines de femmes, toutes victimes sexuelles des acteurs du conflit armé, y ont contribué, martelant avec rage les plaques pour la fonte. Les unes avaient été violées par la guérilla, les autres par les paramilitaires et les forces armées. « Je n’ai pas voulu célébrer le regard du guerrier, explique Doris Salcedo. J’ai choisi celui des victimes. » Perceptibles sous la semelle, les cassures de l’acier rappellent à chaque pas que la guerre est meurtrissure.

« 8 millions de victimes du conflit »
Inutile de dire que les guérilleros tiquent. Parce qu’ils n’avaient pas été militairement vaincus, ils avaient refusé, en 2017, que la remise des armes à l’ONU soit filmée. Et voilà à terre ce qui a fait leur histoire et leur grandeur. Les chefs des FARC, devenus responsables politiques, ont d’abord tourné le dos au projet, avant d’y adhérer. « Je les comprends, ce n’est pas ce qu’ils attendaient, résume Doris Salcedo. Je n’ai cherché à faire plaisir à personne. »

L’artiste poursuit : « Les armes que nous avons trouvées dans les conteneurs étaient striées, marquées d’initiales, peintes et décorées de rubans ou de perles. Dans une société aussi injuste et raciste que la société colombienne, l’arme était la seule chose qui donnait du pouvoir aux guérilleros, qui les faisait exister. C’était une partie de leur identité. »

Autres actualités

05 - Novembre - 2019

Au Burkina Faso, l’assistance à double tranchant de la France

Après le Tchad, et avant le Mali, la ministre française des armées, Florence Parly était lundi 4 novembre au Burkina Faso, où les attaques terroristes et les...

04 - Novembre - 2019

Au Pakistan, le premier ministre Imran Khan face à la colère de milliers de manifestants

C’est une alerte sérieuse pour le premier ministre pakistanais, Imran Khan, la première depuis son élection en juillet 2018. Des milliers de manifestants se sont...

04 - Novembre - 2019

RDC : assassinat d’un animateur radio impliqué dans la lutte contre Ebola

Un animateur de radio locale, impliqué dans la lutte contre la maladie à virus Ebola, a été assassiné dans le nord-est de la République...

02 - Novembre - 2019

Hongkong : nouveaux affrontements avec la police lors d’une manifestation non autorisée

Près de cinq mois après le début de la contestation, leur mouvement ne montre aucun signe de recul. Vêtus de noir et portant des masques sur le visage en dépit...

02 - Novembre - 2019

Au Liban, le mouvement de protestation se laisse un répit en attendant le nouveau gouvernement

Trois jours après la capitulation du premier ministre Saad Hariri face à la colère de la rue, le Liban hésite entre retour à la normale et poursuite de la...