">

Droits de l’homme en Chine : un enjeu planétaire

01 - Juin - 2019

Il avait fallu un peu moins de trente ans à la Chine communiste pour lancer, à partir de 1978, les premières réhabilitations des victimes du maoïsme : celles qui avaient été persécutées par le mouvement antidroitier des années 1950, puis par la Révolution culturelle, ou qui avaient manifesté place Tiananmen, déjà, en 1976, en hommage à Zhou Enlai, tout juste décédé. Or, trente ans après son écrasement dans le sang, le mouvement de Tiananmen, en 1989, reste un tabou absolu en Chine. Aucun signe de dégel n’est en vue. Le pouvoir n’a nullement l’intention de renverser le verdict qui a fait de ces manifestations une agitation « anti-parti ». Ni de réhabiliter les victimes ou les participants, bloqués en exil ou stigmatisés parce qu’ils ont séjourné en prison.

Le séisme politique qui s’y est déclenché le 15 avril 1989, jour de la mort de Hu Yaobang, l’artisan des grandes réhabilitations des années 1980, n’a pourtant pas été vain. Il a fait naître de nouvelles formes d’engagement politique durant les décennies qui ont suivi. La plus marquante d’entre elles, le mouvement de défense des droits, animé par des intellectuels, des avocats et des militants à partir du début des années 2000, a rencontré un écho croissant dans le public en se fixant des objectifs réalistes, comme de faire cesser le harcèlement policier, d’inciter au respect des procédures, de dénoncer la pollution et la corruption. Porté par le succès des réseaux sociaux et de ses tribuns au statut de popstars, il a si bien menacé le pouvoir communiste que celui-ci a décidé de le mater de manière aussi systématique que les troupes qui appliquèrent la loi martiale en 1989 dans les larges avenues de Pékin.

Depuis, un état d’urgence qui ne dit pas son nom a été instauré, au moyen d’une « contrôlocratie » aidée par les hautes technologies et l’intelligence artificielle. De nouvelles formes de coercition s’exercent désormais avec une efficacité redoutable contre les esprits libres, les contradicteurs, les voix dissonantes et tout un peuple, pris en otage dans des camps, la minorité ouïgoure.
Hyperactivisme

Cette fuite en avant dans la répression aurait pu produire sur le reste du monde des effets aussi limités que ceux que l’on a constatés ces trente dernières années, des sursauts d’indignation suivis de phases d’apathie pour finalement rester sans conséquence notable sur le pouvoir chinois. Or, elle oblige à une vigilance accrue car elle menace désormais toutes les démocraties. Maintenant que la Chine sort de ses frontières, elle veut que le vaste monde où s’écoulent ses réseaux, ses « routes de la soie », ses entreprises et ses produits lui ressemble.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi La Chine à l’assaut des Nations unies

Les objectifs de puissance du pays sont devenus tels qu’ils l’obligent à préempter et neutraliser les attaques contre son système politique, a fortiori lorsque celles-ci sont menées au nom de valeurs universelles que la Chine rejette. Pour ce faire, une arène, en particulier, accapare l’attention des Chinois : l’ONU. L’hyperactivisme que Pékin y déploie découle de la nécessité d’imposer sa propre version des droits de l’homme, de parer aux condamnations publiques et de limiter la mauvaise publicité faite au régime.

L’enjeu, pour les démocraties, est immense. Le système des Nations unies, établi en 1945 à la suite de la défaite de l’Allemagne nazie, est fondé sur les valeurs universelles et la Déclaration universelle des droits de l’homme. Liu Xiaobo, le Prix Nobel de la paix chinois mort en 2017, s’y était implicitement référé lorsqu’il avait appelé la vérité à subvertir le système du mensonge. Or, demain, c’est bien l’inverse qui pourrait se produire.

Autres actualités

26 - Juin - 2018

Gestes de paix historiques entre l’Ethiopie et l’Erythrée

Signe de la volonté des deux pays d’aplanir leurs différends, une délégation érythréenne est attendue à Addis-Abeba, meurtrie samedi par un...

26 - Juin - 2018

Hamit Bozarslan : « La Turquie d’Erdogan est un exemple radical des antidémocraties du XXIe siècle »

La victoire électorale du président sortant, Recep Tayyip Erdogan, va confirmer le processus de re-radicalisation du régime déjà aux abois, estime le sociologue...

25 - Juin - 2018

Réélu, Erdogan endosse son nouvel habit d’« hyperprésident »

Le chef de l’Etat sortant remporte la présidentielle turque dès le premier tour. Son parti conserve sa majorité parlementaire grâce à l’alliance...

25 - Juin - 2018

En Libye, les réseaux de passeurs de migrants s’ajustent à la pression internationale

En pleine crise migratoire européenne, le ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini, est à Tripoli lundi pour tenter de consolider la tendance à la baisse...

22 - Juin - 2018

Le vote des Kurdes, une menace pour Erdogan

Le dirigeant turc pourrait perdre sa majorité si le parti kurde recueillait plus de 10 % des voix dimanche.   A Diyarbakir, les apparences peuvent être trompeuses. Dans...