Hélène Miard-Delacroix : « En politique, l’Allemagne ne fait pas exception »
Dans une tribune au « Monde », l’historienne Hélène Miard-Delacroix rappelle que les difficultés que connaît Angela Merkel pour former une coalition relèvent d’une situation commune à d’autres démocraties occidentales. Elles rappellent l’échec de la République de Weimar, qui avait vu la chute des partis modérés avant l’arrivée des nazis.
TRIBUNE. Les Français doivent se résoudre à reconnaître qu’Angela Merkel n’est pas, comme ils le croyaient, l’inébranlable femme politique la plus puissante du monde, ni qu’elle est appelée à rester indéfiniment, selon les sentiments qu’elle éveille chez les voisins, comme l’incontestable leader de l’Europe, ou comme une calamité pour l’avenir du continent. Ils doivent aussi reconnaître qu’ils vont un peu vite en besogne en la déclarant maintenant déchue après avoir affirmé avec autant d’aplomb, il y a quelques semaines, que ces élections générales en Allemagne n’étaient qu’une formalité et que la chancelière avait gagné d’avance.
L’entrée de la droite nationaliste au Parlement puis l’incapacité de former un gouvernement de coalition ont convoqué le spectre de Weimar
Parmi les leçons à retenir de l’échec des longs pourparlers en vue de former un gouvernement de coalition, il faut commencer par celle-ci : la doxa sur l’Allemagne qui ferait exception, havre de stabilité politique et moteur absolu de l’Europe, fait partie des certitudes aveuglantes que seule une analyse apaisée permet de mettre à distance. La seconde leçon est que l’inquiétude nouvelle, sensible en Allemagne comme chez ses partenaires, ne découle pas seulement de ce brusque désappointement.
L’entrée de la droite nationaliste AfD (Alternative pour l’Allemagne) au Parlement fédéral avec 94 sièges sur 709, puis la soudaine incapacité de former un gouvernement de coalition, ont convoqué le spectre de Weimar. Cette première expérience démocratique, née en 1919 dans l’Allemagne vaincue, a laissé le souvenir traumatique de l’effondrement des partis modérés, de leur impossibilité de s’entendre pour gouverner contre les assauts des extrémistes : glissant vers un système présidentiel autoritaire, la République de Weimar a été l’antichambre de la dictature nazie. De nos jours, la stabilité exemplaire de la démocratie allemande et la bonne santé générale du pays ont laissé croire...