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Le coup de force de Trump contre le FBI

10 - Mai - 2017

Le coup de force de Trump contre le FBI

La décision du président américain aurait été motivée par une mauvaise gestion de l’affaire des e-mails privés d’Hillary Clinton par James Comey.

Washington s’est brusquement électrisé, mardi 9 mai, en fin d’après-midi, lorsque la Maison Blanche a rendu public le limogeage du directeur de la police fédérale (FBI), James Comey, nommé pour dix ans en 2013.
L’intéressé, qui avait été auditionné par le Congrès une semaine plus tôt, était en déplacement en Californie. Il a appris la nouvelle par la télévision alors qu’il s’exprimait devant des membres du FBI. Selon le New York Times, le directeur de la police fédérale a tout d’abord cru à un canular.
C’est officiellement pour restaurer « la confiance » dans le FBI que Donald Trump a pris sa décision. Pour la justifier, le président s’est appuyé sur un mémo sévère du ministre de la justice adjoint, Rod Rosenstein.
Ce dernier y dresse un véritable réquisitoire à propos de l’enquête conduite par M. Comey à propos de l’usage discrétionnaire par l’ancienne secrétaire d’Etat Hillary Clinton d’un serveur privé quand elle était à la tête de la diplomatie américaine (2009-2013). Mme Clinton était accusée d’avoir fait transiter des informations sensibles par un réseau insuffisamment sécurisé et d’avoir ainsi mis en péril les intérêts américains.
Déclarations erronées
Confronté à une situation sans précédent – une enquête portant sur celle qui était alors la favorite de la campagne présidentielle américaine –, M. Comey avait choisi il est vrai un mode de communication inhabituel. Il avait tenu une conférence de presse pour indiquer, le 5 juillet 2016, que Mme Clinton avait agi avec « une extrême négligence » mais que les faits ne justifiaient pas l’ouverture de poursuites. Cette décision avait été vivement critiquée par le camp républicain qui espérait que l’enquête force la démocrate à se retirer.
M. Comey avait récidivé dans la transparence, le 28 octobre, lorsque la découverte de courriels de Mme Clinton sur l’ordinateur privé de la très proche conseillère de cette dernière, Huma Abedin, avait entraîné une brève relance de cette enquête. L’équipe de la démocrate et Mme Clinton elle-même, considèrent que cette réouverture, quelques jours seulement avant le scrutin du 8 novembre, a contribué à sa défaite.
Interrogé au Congrès la semaine dernière, M. Comey s’était rendu coupable de déclarations erronées à ce sujet, citant un nombre de courriels et d’informations confidentielles retrouvées auprès de Mme Abedin nettement supérieur à la réalité. Le directeur du FBI avait ultérieurement rectifié ses propos.


Selon la note de Rod Rosenstein, qui ne mentionne pas cette déposition, M. Comey a en fait outrepassé ses fonctions, le 5 juillet, l’annonce du non-déclenchement de poursuites relevant selon lui exclusivement du pouvoir de l’attorney general (ministre de la justice) des Etats-Unis d’alors, Loretta Lynch.
Interférences russes
Le directeur du FBI a aggravé son cas, selon le juriste, en refusant par la suite de reconnaître une erreur d’appréciation, comme il l’a d’ailleurs montré lors de ce qui devrait rester comme sa dernière audition en tant que patron de la police fédérale.
Cet argument avancé par la Maison Blanche pour écarter M. Comey, et surtout le moment choisi, n’ont pas convaincu, c’est le moins que l’on puisse dire, le camp démocrate. Car ce limogeage intervient alors que M. Comey supervisait une autre enquête sur de possibles liens entre l’équipe de campagne de M. Trump et les hackers russes qui avaient déstabilisé celle de son adversaire. Cette investigation a d’ailleurs contraint le ministre de la justice, Jeff Sessions, à se récuser, compte tenu de ses liens avec la campagne Trump.
Dans le courrier délivré en main propre par un ancien officier de sécurité de M. Trump au siège de la police fédérale, M. Trump fait d’ailleurs référence à ce dossier brûlant. Il se félicite, s’adressant à M. Comey, du fait que ce dernier l’ait informé « en trois occasions distinctes, du fait que je ne faisais pas l’objet d’une enquête ». Cette dernière est cependant en cours, et cette conclusion reste pour l’instant prématurée.
M. Comey avait été l’un des responsables du renseignement à avoir informé M. Trump, le 6 janvier, du contenu de dossiers, au contenu parfois scabreux, liés à des interférences russes que le président élu avait longtemps mis en doute.
Double camouflet
Deux mois plus tard, le 20 mars, le directeur du FBI lui avait infligé un double camouflet. En confirmant tout d’abord que l’enquête lancée par la police fédérale incluait « la nature de tout lien entre des individus liés à l’équipe de campagne Trump et le gouvernement russe pour déterminer s’il y a eu coordination entre la campagne et les efforts russes ».
M. Comey avait ensuite sèchement indiqué qu’il n’avait pas « d’informations soutenant » des messages publiés sur son compte Twitter par M. Trump relatifs à sa mise sur écoute par son prédécesseur démocrate, Barack Obama. Cette accusation lancée par le président était apparue aux yeux de certains observateurs et des démocrates comme une tentative de diversion.
Après le coup de théâtre du limogeage de M. Comey et dans un brusque renversement de positions, les démocrates ont presque aussitôt dénoncé une décision politique.
« Monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois, vous faites une grave erreur », a assuré publiquement le chef de la minorité démocrate du Sénat, Chuck Schumer. « La pleureuse Chuck Schumer disait récemment, “je n’ai plus confiance en lui” (James Comey) et maintenant, il fait l’indigné », a rétorquéle 45e président des Etats-Unis.


Certains des collègues de M. Schumer, comme le sénateur du Vermont Patrick Leahy ont avancé un adjectif infamant à l’aune de la politique américaine, « nixonien », et une référence historique, le « massacre du samedi soir ». Il s’agit d’une référence à un épisode du scandale du Watergate, en octobre 1973, dans lequel le président républicain Richard Nixon s’était efforcé d’écarter des responsables de l’enquête en cours. Cette tentative avait été considérée comme un abus de pouvoir.
Réaction vigoureuse
C’est également le sens du tweet posté par Bernie Sanders dans lequel le sénateur du Vermont assure que cette décision de M. Trump « soulève de sérieuses questions quant à ce que cache son administration ».
Leur priorité est désormais la nomination d’un procureur indépendant afin de poursuivre l’enquête sur les liens éventuels entre le clan Trump et la Russie. « Cela ne peut pas attendre », a prévenu la sénatrice de Californie Kamala Harris.
« Notre démocratie est en danger », a souligné Steve Cohen, un représentant du Tennessee. « Trump limogeant Comey. Cela montre à quel point cette administration a peur de l’enquête sur la Russie », a commenté Tim Kaine, candidat malheureux à la vice-présidence en 2016.
Certains hauts responsables républicains ont exprimé également leurs doutes, alors que d’autres ont au contraire salué la décision de M. Trump. Le responsable de la commission du renseignement du Sénat, Richard Burr (Caroline du Nord), s’est déclaré « troublé » et celui de la commission des forces armées, John McCain (Arizona), « déçu », pendant que le chef de la majorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell (Kentucky), gardait le silence.
Selon la presse américaine, M. Trump n’avait pas anticipé une réaction aussi vigoureuse. Il n’avait d’ailleurs pas prévu de s’exprimer publiquement en dépit du caractère sensible de ce limogeage. Mardi soir, la Maison Blanche a promis de trouver au plus vite un successeur à M. Comey. Mais les demandes anciennes pour une enquête indépendante sur le dossier russe ne devraient qu’être plus pressantes au cours des prochains jours.

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