Liban : à Chatila, un système D pour soigner réfugiés et exclus

05 - Août - 2019

L’attente est longue chez le docteur Samer (le prénom a été changé), un dentiste syrien, dans le camp palestinien de Chatila, encastré dans une banlieue pauvre de Beyrouth. Hala, qui vit au sud de la capitale libanaise, s’apprête à se faire poser une couronne, pour un prix défiant toute concurrence. « Je n’ai pas les moyens de me soigner ailleurs », dit cette réfugiée originaire de la campagne d’Alep, face à un autre patient qui se met des compresses pour épancher le sang dans sa bouche.
Dans les ruelles étroites de Chatila, où touk-touks et scooters se faufilent entre les passants, des enseignes indiquent la vingtaine de cliniques dentaires où pratiquent des Syriens. Parmi ces jeunes, plusieurs ont fui le service militaire dans leur pays. « On n’était que cinq ici quand je me suis installé, il y a plus de deux ans. Aujourd’hui, on est 35 : il y a plus de dentistes que d’épiceries à Chatila », ironise le docteur Amr, originaire du sud de la Syrie. Malgré la visibilité, beaucoup refusent de parler, par peur d’attirer l’attention.
Les dentistes étrangers ne peuvent pas officier au Liban, mais l’enclave palestinienne échappe au contrôle de l’Etat
« On est illégaux. Je suis diplômé, j’ai de l’expérience, mais mon travail est illégal », déclare ce professionnel de 30 ans, dans un rire amer. S’il travaille à Chatila, c’est parce que les dentistes étrangers ne peuvent pas officier au pays du Cèdre, et que l’enclave palestinienne échappe au contrôle de l’Etat libanais : s’y entremêlent au quotidien ingéniosité, système D et trafics en tout genre. Dans ce petit kilomètre carré de béton et de misère, ses patients sont des Syriens en majorité, et des Libanais : « Les premiers sont rassurés d’être soignés par un compatriote. Et pour tous, nos tarifs bas sont attractifs : au Liban, la santé coûte cher. »

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